Rencontre // Moriarty // Solidays 2015

 Rencontre // Moriarty // Solidays 2015

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Après leur formidable concert aux Solidays, on a retrouvé Arthur B. Gillette, guitariste de Moriarty, assis dans l’herbe, la chemise boutonnée à l’envers et des plumes dans les cheveux, pour nous parler d’Epitaph, leur septième album sorti en avril dernier.

La musique de votre dernier album, Epitaph, est très dansante et vous venez de le démontrer sur scène ! Pourtant, comme son nom l’indique, il aborde des sujets plutôt sombres. Pourquoi ce décalage ?

Arthur : En Occident, la mort est beaucoup plus taboue que dans d’autres cultures. Mais si tu voyages un peu, par exemple à la Nouvelle Orléans, pendant les enterrements, tu vois que les gens vont au cimetière en pleurant mais reviennent en dansant avec les parapluies ! A la Réunion, où on a pas mal été, la séparation entre les morts et les vivants est très ténue, les morts sont là parmi nous. En tournée on a collaboré avec Christine Salem, une artiste réunionnaise qui nous a beaucoup contaminés, et elle sait convoquer les esprits et entrer en transe et c’est plutôt dansant. Donc ce n’est pas forcément contradictoire finalement de faire de la musique « dansante » en parlant de la mort.

Et est-ce parce que vous avez rencontré Christine Salem que vous avez eu envie d’aborder ces thèmes-là ?

Arthur : Non, en fait je me mets à la place des hommes et des femmes préhistoriques et je me dis que quand ils avaient un des leurs qui se faisait embrocher par un tigre, un mammouth ou quoi que ce soit, j’imagine qu’ils devaient lui chanter des chansons pour lui dire au revoir. Donc je crois que c’est juste la chose la plus vieille de l’humanité de faire de la musique pour célébrer un mariage, une naissance ou la mort. Ce sont des sentiments universels.

J’ai lu que vous aviez l’habitude d’enregistrer vos morceaux dans des lieux plutôt insolites comme des coulisses de théâtre, des caves ou des greniers…

Arthur : Alors, ça dépend pour quels disques, pour celui-là non. On a commencé à enregistrer dans une grange en Alsace mais finalement on n’était pas contents et on a tout refait en studio à Paris en quatre jours. A part pour deux chansons. Mais sur le disque d’avant, Fugitives, qui est un disque de reprises, on avait enregistré des pistes dans un hôtel de la ville de Québec. Il y a une photo sur instagram où on voit qu’on avait mis le micro dans une chaussure. Donc ça nous arrive ouais. Quand on se trouve dans des endroits magnifiques autant en profiter!

Vous avez créé votre propre label Air Rytmo (anagramme de Moriarty), c’était important pour vous d’avoir votre propre structure?

Arthur : Eh bien, on a existé pendant dix ans tous seuls. Après, une maison de disques nous a récupérés pendant un an et demi, deux ans mais comme de toute façon on faisait déjà tout nous-mêmes – Stephan faisait le graphisme, moi je faisais un peu la direction artistique – on s’est un peu bagarrés et on est partis. On a fait notre label et ça nous a permis de faire des disques plus chers mais avec une valeur ajoutée comme, par exemple, le fait que tu peux retirer l’autocollant du code-barre. Le disque qu’on fait coûte trois fois le prix d’un disque normal à fabriquer, donc on gagne moins d’argent, mais au final ces petits détails on ne pourrait pas les faire dans une autre maison de disque qui se dirait que de toute façon les gens s’en fichent. Mais je pense au contraire qu’ils ne s’en fichent pas et qu’il y a encore des gens qui aiment les beaux objets. Ça nous permet aussi de travailler au rythme qu’on veut, on n’est pas au service d’une entreprise. On n’est pas obligés de sortir un disque pour Noël par exemple, tu vois? C’est le genre de choses qui nous énervent! (Rires)

On est au festival Solidays, est-ce que c’est un lieu spécial pour Moriarty ?

Arthur : Ba c’est sûr que c’est la quatrième fois qu’on vient. Et comme on a dit en concert, la première fois c’était il y a tout juste dix ans, il y avait trente personnes ! On devait jouer à 13h, on s’en était fait toute une histoire et finalement il n’y avait personne au concert donc ça nous avait laissé un petit goût amer d’inachevé. Mais quand on est revenus c’était génial ! C’est vrai qu’il y a une fidélité du festival envers nous qui est chouette et super agréable.

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La Playlist de Moriarty

Collectif Astéréotypie – Les Peintres du Temps
Queens Of Jamaïca
(Arthur: « Impossible de ne choisir qu’une seule chanson, je vous recommande le disque entier! »)
Candi Staton – Sure As Sin
Terakaft – Alone

Propos recueillis par Kirana Chesnel // Photos : Jacques De Rougé

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