Rencontre// Two Gallants

 Rencontre// Two Gallants

Portrait1

Adam Stephens et Tyson Vogel se connaissent depuis l’enfance. Nés en 1981, biberonnés à Neil Young puis électrisés par Nirvana, ces deux rejetons de San Francisco en ont assimilé l’esprit rebelle et les cordes saturées. S’ils n’ont pas besoin de la parole pour se comprendre entre eux, il fut difficile pour nous de percer la carapace de ce monstre à deux têtes qui n’exprime pas mieux sa rage qu’à travers sa musique. C’est simple, lorsqu’Adam chante de sa voix écorchée, il semble comme en transe, le corps traversé de spasmes et le visage fermé. Tyson le soutient de son jeu de batterie tour à tour précis, délicat et puissant, mais surtout de son regard, toujours bienveillant. Il tente de détendre l’atmosphère avec quelques paroles adressées au public tandis que son jumeau maléfique tourne comme un lion en cage sur scène. Avant ce concert fiévreux donné à La Maroquinerie en mars dernier, nous avons tenté de soutirer quelques mots au duo.

 

Tous vos albums sont traversés par un sentiment de désenchantement. Le dernier, We Are Undone, produit par Karl Derfler (Tom Waits), ne déroge pas à la règle. Quel sujet est-ce que vous y dénoncez cette fois ?

Adam : Je ne sais pas s’il traite d’un sujet en particulier mais disons qu’il dénonce l’état du monde dans lequel nous vivons aujourd’hui, à cause des êtres humains.

Qu’haïssez-vous tant chez le genre humain ?

Adam : Euh… à peu près tout ? J’aime les personnes que je connais, je n’ai pas de problème avec les êtres humains individuellement mais avec l’humanité en général. Nous sommes tous coupables collectivement de ce que nous faisons à notre planète. On a eu l’occasion d’aller en Chine lors d’une précédente tournée et ça a été une expérience très intense et déprimante pour moi de voir le monde être détruit sous mes yeux à cause de la pollution. Mais ça a aussi été intéressant de pouvoir constater ça.

Dans votre album, vous déplorez également la gentrification de San Francisco, votre ville d’origine.

Adam : Pas la gentrification particulièrement mais ce que San Francisco est devenue. Une nouvelle espèce d’individus a envahi la ville et l’a complètement redéfinie et c’est triste parce que ce n’est plus du tout le même lieu que celui dans lequel nous avons grandi. Beaucoup de gens ont encore une vision idéalisée de San Francisco : une ville créative où les gens chantent et dansent dans la rue, libres. Mais cet aspect a complètement disparu. Maintenant c’est une ville très riche et uniquement axée sur les hautes technologies. Tout ne tourne plus qu’autour de ça, la technologie, l’argent, le pouvoir. Cela s’étend à tous les quartiers et homogénéise tout.

Tyson : Lorsqu’on était à Londres on a lu un article sur Shortage, le quartier des artistes de San Francisco, qui racontait que ses habitants commençaient tout juste à réagir et à se dire qu’ils ne souhaitaient pas être envahis par les gratte ciels qui les entourent. C’est assez admirable, parce que San Francisco a déjà traversé ça et a perdu. Mais ils continuent à lutter contre ce qui bouffe leur réalité et transforme leur environnement. C’était encourageant de voir que ce phénomène était dénoncé par un magazine reconnu, par des gens qui préfèrent la culture, la représentation de leur Histoire à une représentation du progrès sans visage, sans identité.

Pensez-vous que les nouvelles technologies vont également absorber le monde de la musique, disons plus traditionnelle ?

Adam: Je ne pense pas, non, ce n’est pas aussi extrême. La prolifération des DJ a rendu les musiciens presque obsolètes mais il y a quand même encore beaucoup de gens qui jouent d’un instrument et de gens qui viennent nous voir en concert.

 

La Playlist de Two Gallants:

Bob Dylan – Baby, Won’t You Be My Baby
Nirvana – Do Re Mi
John Coltrane Quartet – A Love Supreme
Richard “Rabbit” Brown – James Alley Blues
R. Kelly – Oreo

Propos recueillis par Kirana Chesnel // Photo: Jacques De Rougé

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *