Band of Horses: « The Funeral est devenu un hymne à l’angoisse adolescente »

 Band of Horses: « The Funeral est devenu un hymne à l’angoisse adolescente »

On a rencontré Ben Bridwell, chanteur, guitariste et songwriter de Band Of Horses, à l’occasion de la sortie de Why Are You Ok?. On a discuté de la genèse de ce cinquième album studio, de sa vie de papa accompli, ainsi que de son amitié avec Biffy Clyro.

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Les fans de Band of Horses ont du attendre 4 ans depuis la sortie de votre dernier album Mirage Rock, en 2012. À quoi étiez-vous occupés pendant tout ce temps ?

La vie a suivi son cours, je dirais. De mon côté, de nouveaux bébés : ma femme et moi on a eu deux petites filles, en plus des deux qu’on avait déjà. Ma famille avait besoin de temps pour s’acclimater à cette équipe qui s’agrandissait, ce qui m’a pris pas mal de temps… J’ai aussi fait un album avec mon ami Sam Beam de Iron & Wine: on a fait de la promo, une tournée aux États-Unis… On a aussi sorti un album live avec Band of Horses (Acoustic at the Ryman), et on a fait la promo ensuite aux États-Unis et au Canada. Donc il s’est passé beaucoup de choses…

Avant, tu avais l’habitude de t’isoler pour enregistrer. Cette fois, j’ai entendu dire que tu étais resté à la maison. Est-ce que ça veut dire que tu es devenu plus sûr de toi, que tu n’as plus besoin de te plonger dans une situation ou une atmosphère particulière pour trouver l’inspiration ?

C’est une bonne question ! En fait, c’était surtout par nécessité. Je ne pouvais décemment pas demander à ma femme si je pouvais la laisser toute seule avec les enfants pour partir une semaine pour atteindre les muses de la créativité ! C’est ce que j’ai beaucoup fait par le passé, et ce serait devenu presque quelque chose de stagnant, et plus du tout créatif. J’étais assez indécis et je n’arrivais pratiquement pas à trouver du temps pour moi. Du coup, une fois que les enfants allaient au lit, j’essayais de travailler autant que je le pouvais, dans l’urgence. C’est une bonne façon de bosser je pense, car j’étais conscient que le temps filait.

Ça fait quoi d’enregistrer avec Jason Lytle de Grandaddy comme producteur ?

C’est très intéressant, même s’il peut être un peu control freak : il n’a jamais produit d’autres groupes, uniquement le sien, donc il a l’habitude de tout faire tout seul. Il a ses écouteurs, il est au clavier, il enregistre et tout d’un coup tu l’entends crier: « Damn! il est 2h30 là ! Quand est-ce que le groupe va se mettre au travail ?! » Il lui arrivait d’oublier que ce n’était pas son groupe, je pense… (rires). On était bons amis, on a juste eu une petite explosion à un moment où on est restés éveillés jusqu’à 6 heures du matin, à force d’être les uns sur les autres. Mais par ailleurs, il est merveilleux. Il a vraiment pris soin des morceaux et ça voulait dire beaucoup pour moi. Réussir à faire un bon album de Band of Horses était devenu son combat, donc il s’en souciait beaucoup et faisait tout pour que tout sonne bien. J’adorerais refaire un disque avec lui, c’était génial.

Vous avez aussi travaillé avec Rick Rubin. Comment cela s’est-il passé ? Est-ce que tu étais impressionné ou bien est-ce que tu l’avais déjà rencontré auparavant ?

En fait, je connais Rick depuis quelques années maintenant. C’est quelqu’un que j’admire. Il se soucie tellement de la musique et utilise un langage tellement fleuri pour la décrire. À chaque fois qu’on discute ensemble, il parle en tons, en formes et en couleurs. Par moment tu ne sais pas exactement ce que tu dois glaner dans le point de vue qu’il est en train d’essayer de te donner. Mais c’est toujours très inspirant. C’est un homme tellement génial : avoir son oreille et son avis sur mes morceaux était crucial au moment où j’ai parlé avec lui. Il n’a pas essayé de changer les morceaux pour les améliorer. Il me disait plutôt des choses du style « c’est un bon morceau, tu as bien travaillé, continue », tu vois. C’était merveilleux de travailler avec Rick. Il m’a aussi aidé à signer un nouveau contrat avec Interscope et Caroline ici, il m’a sauvé de la ruine car c’est un album auto-financé.

Tu chantes In a Drawer avec J Mascis, leader de Dinosaur Jr. Comment c’est arrivé ?

J’étais en train d’essayer de terminer ce morceau. J’avais essayé plusieurs textes pour le refrain, et les paroles qui me sont venues c’était « in a drawer », ce qui était très similaire à la chanson de Dinosaur Jr In a jar (sortie en 1987). Du coup, j’ai réécouté ce morceau et la face B de l’EP était sa reprise de Just Like Heaven de The Cure. Là, je me suis dit : « ce morceau a la même tonalité musicale que mon morceau In a drawer ». J’ai commencé à chanter J Mascis chantant Robert Smith sur mon morceau et je me suis dit : »this is bananas! ça sonne complètement dingue !« . D’une certaine manière, ça fonctionnait. Je l’ai fait écouter à Jason, le producteur, et il a trouvé ça hilarant. Du coup, on s’est dit qu’on devrait juste appeler J et voir s’il pouvait le faire et il était d’accord, il nous a envoyé par mail sa voix enregistrée sur le morceau deux jours après, et alors l’album était fini.

Mais tu le connaissais déjà ?

Ouais ! Je l’ai rencontré pendant une tournée où on jouait en première partie de Dinosaur Jr en 2008, je crois. On a pas passé beaucoup de temps ensemble tous les deux mais il m’a appelé un peu plus tard pour travailler sur son premier album solo qui s’appelle Several Shades of Why et m’a demandé de chanter sur quelques morceaux. Je crois que j’ai chanté trois morceaux, donc il m’en doit encore deux maintenant ! (rires)

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The Funeral, qui figure sur votre premier disque Everything All The Time (2006) vous colle à la peau et est considéré jusqu’ici comme votre plus beau morceau. Qu’en penses-tu ?

Mmmm, je pense que c’est une source intarissable. Il continue à y avoir des jeunes qui nous découvrent grâce à ce morceau et frissonnent, ce qui en fait un hymne à l’angoisse adolescente. Je suis très heureux qu’on ait fait ce morceau. Si les gens l’écoutent, ils vont peut-être découvrir d’autres morceaux qu’ils aimeront et devenir fan du groupe mais même s’ils aiment juste un morceau c’est très bien.

Oui, c’est un morceau très intense…

Oui, ouais… et c’est un bon exemple de ce qu’on fait de mieux je pense, le mélange de calme et de vacarme, la tristesse et la joie, les ténèbres et la lumière… je suis très reconnaissant pour ça. Grâce à elle, de nombreuses personnes viennent vers nous. D’ailleurs, ça donne l’impression que certains réalisateurs ne regardent pas d’autres films que les leurs, car sinon ils se rendraient compte que ce morceau a été utilisé plein de fois, et ils ne continueraient pas de nous demander l’autorisation de l’utiliser aussi ! (rires)

En 2014, tu as fait un featuring sur deux morceaux de Biffy Clyro : Opposites et Accident Without Emergency. La dernière fois que j’ai discuté avec eux, James Johnston (bassiste) m’a dit combien ils t’admiraient et quel musicien et chanteur unique tu étais à leurs yeux.

Oh mon Dieu, c’est dingue… Woaw…

Il m’a aussi dit que c’était dommage que vous n’ayez pas pu enregistrer ces morceaux ensemble…

Je sais ! Ouais… On était en tournée chacun de notre côté et ils en avaient besoin rapidement. On était dans un Casino à Detroit, Michigan et j’ai du mal à imaginer un endroit plus étrange pour enregistrer la voix d’un morceau pour un album de Biffy Clyro ! (rires). Mais comme ils en avaient besoin assez vite, j’ai branché un micro dans mon hôtel et j’ai fait ça en vitesse. Je suis un fan de leur groupe donc j’étais très excité à l’idée de faire ça et je ne les ai pas revus depuis. Une fois, on a partagé l’affiche en ouvrant pour les Foo Fighters et une autre fois, on était au même festival mais ils étaient sur la très grande scène. Ils m’ont envoyé une bouteille de vin, mais on n’a pas réussi à se croiser. J’adore vraiment ces mecs, j’adore leurs morceaux, je trouve que ce sont vraiment des mecs adorables, ils ont vraiment gardé les pieds sur terre bien qu’ils soient devenus juste énormes.

Donc peut-être que la prochaine fois, vous enregistrerez un morceau ensemble en studio ?

J’adorerais ça ! Ouais, ils me doivent eux aussi cette faveur, en fait ! Je crois qu’il est temps qu’ils me rendent la pareille. Ouais, merci, je vais noter ça sur mon téléphone…

 

La playlist de Ben Bridwell:

Otis Redding – I’m Coming Home To See About You
Kevin Gates – 2 Phones
D.R.A.M. – Broccoli
Neil Young – Midnight On The Bay
Radiohead – Daydreaming

Propos recueillis par Aurélie Tournois // Photographie: Nina Airtz