Rencontre // Crystal Fighters // « En dansant, tu fais le vide dans ton esprit à travers ton corps »
On a rencontré Sebastian Pringle et Graham Dickson, chanteur/guitariste et guitariste/percussionniste de Crystal Fighters à Paris au mois d’avril.
Leur album Cave Rave, véritable tuerie, n’était pas encore sorti, et les anglo-espagnols n’avaient pas foulé la scène française depuis un petit moment. Ils nous ont raconté la genèse de Cave Rave et leur rapport à la nature et aux autres, si indispensables à leur équilibre et à leur joie de vivre.
Vous avez composé les morceaux de votre nouvel album en plein cœur du Pays basque, où étiez-vous exactement?
Sebastian Pringle : Oh oui ! La première fois c’était juste à coté de Bilbao, le long de la côte un peu après Bilbao, à Durango. Et la deuxième fois, dans une ville qui s’appelle Elgoibar, entre San Sebastian et Bilbao.
Sebastian Pringle : Oh oui ! La première fois c’était juste à coté de Bilbao, le long de la côte un peu après Bilbao, à Durango. Et la deuxième fois, dans une ville qui s’appelle Elgoibar, entre San Sebastian et Bilbao.
Graham Dickson : Dans la partie espagnole du Pays basque.
Comment se déroulait une journée typique ?Graham : La première chose en se réveillant, comme le studio de répète à Durango n’ouvrait qu’à 16h, on faisait des escapades en skate autour dans la campagne, car c’est très vallonné, c’était super. Parfois du surf, c’est un des meilleurs spots de surf du monde. On allait s’imprégner de la culture basque…
Sebastian : On allait au supermarché chercher un déjeuner, on faisait des sandwiches, on allait aux répètes à 16h. On entendait beaucoup de groupes de punks jouer aussi. On écoutait de la musique basque étrange, ce qui était plutôt cool. Puis on s’enfermait dans le studio pour six heures parfois, de 16h à 22h. Quand on avait fini, on allait retrouver nos potes à Durango
Graham : …et on réfléchissait.
Sebastian : Et on continuait à écrire, on allait diner, puis dormir.
Graham : La même chose, chaque jour.
Pourquoi avez-vous choisi cet endroit? Est-ce que cette région donnait une dimension spirituelle à votre musique?
Sebastian : Carrément ! On avait déjà cette connexion avec le Pays basque depuis notre premier album. On voulait explorer ce lieu plus profondément, moins pour le côté culturel, qu’on observait de loin, mais plus pour voir comment nous, en tant qu’êtres humains, et tous les autres, avons évolué pour devenir ce que nous sommes devenus. Les premières personnes de cette région vivaient dans des grottes, où ils expérimentaient peut-être de nouvelles musiques… Et c’est aussi ce qu’on faisait. C’était une expérience spirituelle vraiment intéressante.
Vous avez besoin d’être envahis par l’esprit du lieu pour êtres inspirés?
Graham : Je pense que c’est difficile de ne pas se sentir touché par l’âme du lieu où l’on se trouve. Tout ce que tu fais quand tu es quelque part est une synergie entre toi et cet endroit. Si tu voulais aller quelque part et ne pas ressentir l’esprit de ce lieu, tu devrais créer des genres de barrières autour de toi, comme un champ émotionnel de protection… et ce n’est pas ce que nous faisons. Nous aimons vivre les choses. Je crois que nous n’avons pas le choix, nous sommes de toute façon inspirés par la culture et la nature autour de nous, où que nous soyons.
Sebastian : C’est bien d’aller à de nouveaux endroits, tu parles aux gens et tu entends les choses sous un autre angle, ca te libère de la routine et de la régularité. Ca aide à avoir de nouvelles idées, c’est évident.
VOULOIR S’ISOLER POUR SE SENTIR » DANS LA NATURE », C’EST TORDU!
Mais vous avez décidé de produire l’album à Los Angeles. Il y a aussi ce morceau, LA Calling, que vous avez écrit… Pourquoi cette ville vous attire-t-elle?
Sebastian : C’est très différent, c’était une sorte d’expérience. Comme écrire quelque chose dans un endroit plutôt rural, et puis transférer ça à l’autre bout du monde. On avait des bases européennes, et le producteur avec lequel on voulait travailler est américain…
Graham : Bon, la vraie raison pour laquelle on y est allés, c’est que le studio de notre producteur est là-bas… On est allés là-bas et on a réalisé que cette ville avait un effet sur nous. Cette chanson est sur notre expérience à LA.
Votre musique est très inspirante. C’est comme un déchaînement d’une foule de passions. Quels sentiments souhaitiez-vous exprimer sur cet album en particulier?
Sebastian : Merci, c’est carrément ce qu’on voulait apporter à l’album. On avait déjà un peu fait ca sur notre premier disque, on adorait le sentiment réjouissant de jouer ces chanson, avec ce sentiment édifiant, on trouvait que ca nous donnait une grande liberté sur scène. Quand on a commencé à écrire, on avait gardé ça en tête, les gens réagissaient mieux en live à ces morceaux là. C’était évident qu’il fallait faire ce genre de morceaux. Mais en réalité, c’est assez dur de ne pas aller trop loin, que ça ne devienne pas trop mielleux… C’est une question de dosage. J’espère que nous avons réussi à bien faire ce dosage.
Vous aimez faire danser les gens et c’est plutôt un bon point, pour Dancing Feet. Je pense surtout à vos morceaux You & I et Love Natural…
Sebastian : Je pense que danser est probablement l’une des plus anciennes formes, si ce n’est la plus ancienne, de faire de l’exercice, se divertir, méditer…
Au brésil et dans beaucoup d’autres endroits, les gens pratiquent la danse pour atteindre des états de pleine conscience. Cela permet de mieux ressentir son corps, et changer sa vision basique du monde. La musique a en effet ce pouvoir de te faire danser. C’est une chose positive pour l’être humain.
Graham : La musique a été utilisée depuis des milliers d’années comme un moyen d’aider les gens à exister. Ecouter de la musique permet de se concentrer sur un moment unique. En dansant, tu fais le vide dans ton esprit à travers ton corps. C’est la plus simple de façon de sentir la séparation entre ton esprit et ton corps.
Toujours à propos de You & I, ce morceau semble exclure le reste du monde. Est-ce que vous interagissez avec les gens autant que vous le faites avec la nature? Ou préférez-vous l’isolement pour exprimer vos plus profondes pensées et comprendre ce qui vous passe à travers la tête?
Graham : Je pense que le mot nature est un terme assez confus. Pour moi, nous sommes la nature. C’est juste que nous sommes une des quelques espèces qui y pensent. Tout est vivant et conscient dans la nature. Si tu filme des arbres, ou par exemple des fleurs pendant plusieurs jours et que tu accélère la vidéo, tu les verras s’ouvrir, se fermer, communiquer comme les êtres humains ! C’est juste qu’ils n’en sont pas conscients, pas comme nous en tout cas. Donc je pense que vouloir se séparer des autres êtres humains, qui en réalité ne sont qu’une partie de la nature, pour se sentir « dans la nature », c’est tordu. Donc non. Ça peut être agréable de quitter la ville et les gens impliqué dans un cercle que l’on n’apprécie pas et de ressentir cette sorte d’énergie électromagnétique, d’atmosphère, parfois positive parfois négative… s’en aller de tout ça et de se retrouver dans la nature au calme, c’est super. C’est inspirant, mais juste à cause du contraste. Mais là, tout de suite, nous sommes dans la nature. Maintenant.
Donc vous avez besoin de vous retrouver au milieu des autres pour vous exprimer, vivre et être heureux ?
Sebastian : Oui, c’est ce qu’on montre sur You & I, même dans la façon dont on l’a produite. Il y a beaucoup de gens sur l’enregistrement, ça sonne comme une grosse production. You & I est finalement un You pluriel, beaucoup de gens sont inclus. Même si on a fait tout ça tout seuls.Graham : C’est une chanson d’amour, l’intimité entre deux amoureux isolés dans une ville. L’amour est une source d’inspiration dont on a besoin, et tu ne peux ressentir de l’amour si tu n’as personne autour de toi.
NOTRE MUSIQUE EST FAITE POUR RASSEMBLER ET S’AMUSER.
Donc vous avez besoin de vous retrouver au milieu des autres pour vous exprimer, vivre et être heureux ?
Sebastian : Oui, c’est ce qu’on montre sur You & I, même dans la façon dont on l’a produite. Il y a beaucoup de gens sur l’enregistrement, ça sonne comme une grosse production. You & I est finalement un You pluriel, beaucoup de gens sont inclus. Même si on a fait tout ça tout seuls.Graham : C’est une chanson d’amour, l’intimité entre deux amoureux isolés dans une ville. L’amour est une source d’inspiration dont on a besoin, et tu ne peux ressentir de l’amour si tu n’as personne autour de toi.
NOTRE MUSIQUE EST FAITE POUR RASSEMBLER ET S’AMUSER.
Est-ce que vous avez utilisé des instruments typiquement basques ? Quelle dimension est-ce que ça a apporté à votre musique ?
Sebastian : Oui, celui qu’on adore et qu’on utilise le plus, c’est le Txalaparta. C’est un instrument constitué de deux, trois ou plus bouts de bois et joué par deux personnes. C’est un instrument collaboratif, joué à tour de rôle. On l’a utilisé sur la plupart des chansons sur l’album. Pour nous, c’est très important car c’est le premier instrument basque que l’on a découvert. C’est là-dessus qu’on a fondé notre inspiration dans cette région. En plus il a ce son unique et spécial qui rappelle l’origine des collines basques où les gens jouaient, faisaient la fête, buvaient et s’amusaient ensemble. Notre musique est faite pour s’amuser et rassembler, elle aussi. C’est une sorte de métaphore de ce qu’on adore faire. On aime partager, profiter du moment et aimer. Complètement.
Bridge Of Bones est très romantique, inspirée par la nature. De quoi parle-t-elle?
Graham Tu te souviens de notre chanson Xtatic Truth, sur notre premier album (Star Of Love, ndlr)? C’est a propos de ce mec qui flotte seul dans l’eau et sur les nuages. Il est toujours aussi seul dans l’eau et ce sont ses derniers instants, car il n’a pas mangé depuis des années car il méditait. C’est son message final à celle qu’il aime : il espère pouvoir construire un pont avec ses os afin de pouvoir la retrouver après sa mort. Mais ca ne semble pas très bien parti ! (rires)
Sebastian Oui, ces morceaux sont des étranges histoires d’amours isolées et introuvables.
Pour écrire des morceaux universels et intemporels, vous dites que vous avez besoin d’être entourés de gens, donc qu’est-ce que la nature vous apporte?
Graham : La moitié du temps, on était isolés dans une salle mais entourés par les autres groupes, dans le même batiment et l’on vivait dans la même maison. On était heureux de pouvoir débattre ensemble de la mélodie de telle ou telle chanson. Il y avait une vraie harmonie. On devait tous aimer un morceau pour qu’il figure dans l’album. Je ne sais pas si c’est quelque chose de naturel ou appris au fil de centaines d’années de développement. Je n’arrive pas m’imaginer des gens qui jouaient dans des grottes, quelqu’un qui chantait une mélodie et qui appelait les autres à le rejoindre : « hey ! Viens, joue avec moi ! ». Collaborer pour créer quelque chose de plus grand est une chose magnifique!
Est-ce que vous vous sentez détachés des autres mouvements musicaux ou bien est-ce que vous vous imprégnez de tous les mouvements musicaux pour créer le vôtre ?
Graham : Je pense que ce qui est bien, c’est que chacun de nous a fait des découvertes et apprécié des styles différents. Même juste par rapport à nos origines géographiques. Les musiques que j’ai écoutées quand j’ai grandi et même maintenant sont différentes de celles que j’écoute maintenant. On grandit, on grandit et ca donne plusieurs forces d’appréciations de la musique. Nous ne nous donnons pas de limites de genres. Ce qu’on écoute, qu’on l’aime ou non, nous inspire. Oui, on essaie d’utiliser tout ce qu’on trouve, pas uniquement au niveau de la musique d’ailleurs, mais de toutes nos expériences. Tout est une inspiration.
La playlist de Crystal Fighters
Easy Going – Audio Werner
Propos recueillis par Aurélie Tournois // Photos: Jacques de Rougé