DMA’s, britpop à l’australienne

 DMA’s, britpop à l’australienne

portrait

Il y a quelques jours, on a profité du passage de DMA’s à La Boule Noire pour les rencontrer backstage. Enfoncés dans un canap’ avec Johnny Took, l’un des guitaristes du trio, on a parlé de l’influence de la pop british des années 90 et de leur vie en Australie sur leur musique.

Avec Matt et Tommy, vous avez grandi en banlieue de Sydney. A quoi ressemblait une journée typique là-bas ?

Johnny : On a grandi à côté de Newtown, à Habberfield, une très petite banlieue. J’adorais The Mighty Ducks (Les petits Champions, série de films américains sur une équipe de hockey sur glace produit par Walt Disney et sortie au début des années 90). Chez nous, il n’y avait pas de neige: je n’ai jamais fait de ski ou de snowboard. Du coup, on faisait du roller et on jouait au cricket dans la rue en se prenant pour les Mighty Ducks!

Et adolescent, autour de tes 18 ans ?

Oh, je crois que c’est le premier moment de ma vie où j’ai commencé à m’intéresser à la musique. J’avais un groupe de potes à l’école qui écoutaient des trucs comme Blur, Stone Roses, Oasis, Primal Scream, Happy Mondays, Jesus & Mary Chain…

Tu as joué dans beaucoup de groupes ?

Plein! C’est le cinquième groupe dans lequel je suis: j’ai été dans un groupe de bluegrass, Mason a été dans un groupe de métal et Tommy dans un groupe psychédélique. On est influencés par des sons qui ne sont pas les nôtres, par tellement de différents types de musique. Je suis probablement encore plus fan de Paul Kelly mais Mason est un vraiment un énorme fan de The Go-Betweens.

Qu’est-ce qui a provoqué l’envie de former un groupe tous les trois ?

J’ai eu le sentiment qu’il était temps de passer à autre chose. Quand on a commencé DMA’s, on ne prévoyait pas de faire du live, on ne faisait qu’enregistrer. Pendant deux ou trois ans, j’avais un appartement à Newtown, et Tommy et Mason (Matt) vivaient juste à côté. On ne faisait qu’écrire de la musique toute la journée. Ensuite, on a décidé de montrer notre musique à quelqu’un, et notre label a décidé de nous signer, alors qu’on n’avait jamais joué en live! Mais c’était cool, Tommy et moi on avait joué dans d’autres groupes avant : il était batteur et moi bassiste. Je me suis dit que la voix de Tommy était meilleure que la mienne.

J’ai appris que vous aviez enregistré votre album dans ta chambre… Comment vous avez fait pour rester concentrés sur l’enregistrement et trouver la motivation car j’imagine que c’était dans un espace un peu étroit ?

C’était assez grand, en fait ! On ne dirait pas mais c’est très grand: il y avait mon lit et des micros, un kit de batterie, l’ampli et les pedalboards. C’est comme ça qu’on a commencé à devenir un peu tarrés, parce qu’on dormait dans une pièce où il y avait trop d’électricité… Je ne sais pas, je ne suis pas sûr que c’était très bon pour moi. On a essayé d’enregistrer la voix de Tommy en studio mais on était dans des pièces séparées et Tommy n’était pas à l’aise, on pouvait l’entendre dans le timbre de sa voix. On est donc retournés à mon appartement et on devait tenir le micro dans la main pour chanter, avec le bruit du trafic, mais c’était beaucoup mieux ! Le mec qui gérait le studio nous disait souvent : « oh il est minuit, oh il est deux heures, … », alors que dans ma chambre on avait plus de liberté, ce qui je trouve est propice à la créativité.

Tu joues toi aussi de la basse, mais là tu préfères jouer de la guitare sur scène…

Je ne suis pas très bon à la basse ni à la guitare, je suis plutôt mauvais dans les deux. A la guitare ça va, mais je ne suis pas un « bon », je me considère plutôt comme un songwriter. Je préfère écrire des morceaux, des mélodies et des textes, et l’enregistrement. Mais quand on écrit de la musique ensemble, c’est différent à chaque fois. Le truc c’est que par exemple, dans la partie de guitare de Step Up The Morphine, j’ai écrit une mélodie très simple, tu n’as pas besoin d’être un super bon guitariste pour écrire ce genre de choses, tu vois. Mason a écrit la plupart des autres lignes de guitares.

Je dois à Gabriel Winterfield ma rencontre avec Tommy

Le son de DMA’s est souvent comparé à la pop britannique des années 90. A quel point cette culture vous a-t-elle influencés ?

Eh bien, comme on en discutait tout à l’heure, Tom était à fond là-dedans. Il a un grand-frère qui écoutait ça et qui avait peut-être 8 ou 9 ans de plus que lui. Il avait 7 ou 8 ans quand toute cette britpop est sortie, et écoutait Oasis. On avait un petit groupe d’amis avec lesquels on faisait de la musique, mon pote Gabi jouait dans Jagwar Ma… Moi, j’adorais la guitare acoustique et j’écoutais The La’s.

T’étais pote avec Jagwar Ma ?

Ouais ! Moi et Gabi (Gabriel Winterfield) on jouait ensemble dans un groupe quand on était plus jeune. Notre tout premier groupe. Tommy a deux ans de plus que moi, et Darius, le frère de Gabi, a deux ans de plus aussi. Du coup, ils sont meilleurs amis et jouaient dans un groupe ensemble. Et puis, quand Darius a raconté à Gabi qu’il avait besoin d’un bassiste, lui s’est dit : peut-être que Took aura envie de jouer ! Et donc Darius m’a appelé et je ne savais pas trop quoi faire de ma vie à ce moment-là: j’avais 18 ans, je venais d’échouer à mes examens, et je passais mon temps à jouer aux jeux vidéo. Il m’a demandé: tu veux jouer de la basse ? Et j’ai fait : ouais carrément ! Donc je dois à Gabi quelque part, j’imagine, ma rencontre avec Tommy.

Vous avez joué un set acoustique dans la boutique de vêtements de Liam Gallagher Pretty Green à Manchester. Est-ce que vous l’avez rencontré ?

Non, non non ! Je ne sais même pas comment c’est arrivé ! Je sais que la fois précédente on était à Manchester et il nous a proposé de jouer et nous a dit qu’on pouvait avoir des fringues et tout, ce qui était cool. Mais on ne l’a pas rencontré, je crois qu’il n’était pas en ville à ce moment-là.

Vous savez ce qu’il pense de votre musique ?

Non, je ne sais pas vraiment !

Est-ce que tu aimerais le rencontrer ?

Ouais, je pense qu’il est très cool ! Ouais bien sûr, j’adorerais le rencontrer. Mais ça ne changerait pas ma vie, tu sais. Je continuerai à me lever le matin et écrire la musique que j’écris. Parfois quand on est dans des festivals on croise plein de monde, mais je n’ai pas l’habitude d’aller vers les gens car ils sont en mode travail, pas dans un état d’esprit où ils font la fête, c’est différent. Si tu rencontres quelqu’un pendant un dîner, c’est cool, mais sinon je n’aime pas trop aller vers les gens juste comme ça.

Beaucoup de gens vous comparent à Oasis. Est-ce que c’est un peu énervant ? Ça vous donne envie d’aller dans d’autres directions pour votre prochain disque ?

Non, ça ne m’ennuie pas, car Oasis est un de mes groupes préférés, ils font une pop géniale. Et être comparé à un groupe aussi énorme, c’est vraiment cool. Je peux comprendre que les gens vont instantanément penser à ça, mais en même temps il y a beaucoup d’autres influences qui font le son de DMA’s. En tant que songwriter, je suis influencé par des artistes comme Bruce Springsteen, Bob Dylan, Joni Mitchell, Paul Kelly… Je suis content que l’album soit sorti car ça montre aux gens plus de profondeur. Evidemment, comme ça fait deux ans qu’on a enregistré notre album, on est excités à l’idée de passer au prochain.

Déjà deux ans ?

Ouais on a commencé à enregistrer à l’été 2014, et on a tourné beaucoup : en Amérique, et en Europe pour la première fois. On a pas eu le temps de mixer notre EP, finalement on l’a fait en janvier 2016, et on l’a sorti au mois de février! On a eu un emploi du temps chargé. On est tous assez fatigués car ça fait deux ans qu’on tourne. C’est un changement de vie auquel tu dois t’habituer. Mais là on va repartir à Sydney, j’ai hâte de rentrer à la maison et de me remettre à écrire, aller faire quelques brasses…

Nager en ce moment? Mais, quand est-ce que commence l’été en Australie ?

Le 1er décembre.

Woaw !

Ouais, à Noël, chez nous, il fait 40 degrés. Il fait tellement chaud, tu peux pas imaginer ! On mange plein de fruits de mer et on s’endort sur le canapé. C’est trop marrant de voyager et de rencontrer des gens et comparer nos Noël.

Oui, en Europe on a plutôt de la neige !

Je n’ai jamais connu de Noël sous la neige, ou peut-être quand j’avais 19 ans à Berlin une fois… ! Chez nous il fait tellement chaud que tu dois aller te rafraîchir à la plage. C’est pas mieux ou moins bien, c’est juste différent.

Matt a écrit Delete il y a 8 ans, quand il n’avait que 18 ans. Aujourd’hui, c’est l’un de vos morceaux-phare. Est-ce qu’il continue à vous représenter ?

De la version d’origine à celle qu’on joue maintenant, il y a eu pas mal de changements. Avant, il n’y avait pas d’outro, et on a changé quelques textes. Mais je trouve que la vulnérabilité qu’il y a dans la mélodie est cool. Je pense qu’un bon morceau est un bon morceau, peu importe la période à laquelle il a été écrit.

Vous avez également un titre qui s’appelle Melbourne. C’est toi qui l’a écrit ?

Non, techniquement j’ai écrit quelques paroles, et Mason et Tommy ont écrit la mélodie. On était à Melbourne pour de la promo. J’étais en train de fumer des cigarettes au balcon et eux jouaient des mélodies. A la base c’était une chanson à propos de la bouffe chinoise. (Il hésite, puis commence à chanter en mimant un mec à fond sur scène) « I don’t feel like, eating anything else, that will always be chinese », parce qu’on n’avait aucune parole et on avait vraiment très faim ! (On se marre, il se reprend une bière et nous en propose une avant de continuer). On est allé à Chinatown, on a mangé, puis on est rentrés et on a terminé le morceau correctement. Je me souviens être resté debout à remuer la tête en écoutant ce qu’ils faisaient. Je pense que c’était bon signe… c’est un bon morceau car tu peux l’aimer tout de suite. La musique, c’est un sentiment: si tu ressens un truc positif instantanément, tu sais que tu dois continuer à travailler ce morceau. Quand on écrit un morceau on pose tout sur la table il n’y a pas de bonne ou de mauvaise idée, je crois que c’est ce qu’il y a de bien dans notre manière de travailler ensemble. Quelqu’un peut avoir une idée et il peut déclencher une pensée dans la tête d’un des autres, qui n’aurait pas pu avoir cette idée créative sans les autres.

Blown Away parle d’amitié, Delete d’amour. Qu’est-ce qui vous inspire le plus dans la vie ?

Les relations entre les gens. Je ne peux pas répondre pour les deux autres, mais pour moi c’est ça. Pas nécessairement une relation amoureuse, cela peut aussi être un rapport père/fils, père/fille, mère/fils, grand-père/petite-fille… n’importe quelle relation, tu vois, ou différents types d’amour. C’est un concept universel. Quel que soit son origine ou son milieu, n’importe qui peut écouter la musique et se sentir concerné. C’est ce que j’aime dans la musique.

Est-ce que vous avez déjà de nouveaux morceaux maintenant ? Vous prévoyez déjà de publier un nouveau disque ?

Ouais ! On pourrait sortir un nouvel album maintenant, mais ça serait stupide. On a beaucoup de vieux morceaux qu’on a écrit quand on a tourné en Australie. Mason et moi on a emménagé dans un nouvel appartement. On commençait à s’ennuyer, du coup on s’est penchés sur six nouveaux morceaux, et on a travaillé aussi sur de plus anciens, en gardant en tête que ce n’est pas parce qu’un morceau est nouveau qu’il est meilleur. On a essayé d’être plus intelligent que ça, car on a une centaine de vieux morceaux en réserve. Je pense qu’on va travailler là-dessus pendant les six prochains mois.

C’est dur de choisir des morceaux dans une longue liste ?

Ouais ! Mais c’est un bon problème à avoir. C’est mieux que de se dire : il nous reste que de la merde, il faut qu’on écrive cinq morceaux de plus ! Au début, quand tu commence un premier groupe, tu te dis : « oh, on a neuf morceaux ! il faut qu’on fasse du live ! » Mais la vérité c’est qu’il y en a deux de bons, les 7 autres sont de la merde. Tes amis viennent à ton premier concert gratuit, et tout le monde s’ennuie, même le groupe ! Si tu commences à écrire 50 morceaux et qu’ensuite tu n’en sélectionnes que 9 à jouer en live, alors ces 9 morceaux seront bons, et en cas de besoin tu as une liste de quarante bonnes chansons dans laquelle tu peux encore piocher. Et du coup, c’est quarante minutes de bonne musique au lieu de 10: c’est ce que j’ai retenu de mon expérience dans d’autres groupes.

LA PLAYLIST DE DMA’S

Neil Young – Unknown Legend
Paul Kelly – Bradman
Blur – Jets
The Clean – Anything Would Happen
Kurt Vile – Life Like This

 

Propos recueillis par Aurélie Tournois // Photographie: Jacques de Rougé