Faroe : « La musique me permet de me dépasser »
Quatre ans après notre première rencontre avec Corentin, qui officiait alors en tant que guitariste au sein de The Dancers, on l’a retrouvé cet été sur une plage normande, alors qu’il s’apprêtait à monter sur la scène du festival Cabourg Mon Amour pour défendre l’Ep de son dernier projet, Faroe.
Tu es passé par plusieurs groupes dans ta vie de jeune musicien. Faire ton projet en solo, c’était quelque chose qui te démangeait depuis longtemps ?
Je pense que ce n’était pas vraiment conscient. Au sein de The Dancers, c’était moi qui amenais les chansons et dirigeais un peu le truc, même si c’était un groupe où les rôles étaient très partagés, et dans Concrete Knives et Samba de la Muerte je suis au service du projet. J’arrange, j’aide, mais je ne suis pas vraiment décisionnaire. Je laisse ça à la force du groupe. Du coup, j’ai commencé à faire des chansons chez moi après les répètes et petit à petit je me suis dit que ça formait un truc et qu’il fallait que je le fasse, parce que j’en avais besoin.
Ce côté décisionnaire te manquait un peu ?
C’est surtout de pouvoir écrire tes propres chansons et choisir comment tu vas les interpréter. Je pense qu’inconsciemment ça me manquait beaucoup. J’adore être musicien dans Concrete et dans Samba, c’est génial, mais ce n’est pas tout à fait la même chose que d’écrire ses propres chansons.
Niveau son, c’est super différent de ce que tu faisais dans tes autres projets. Tu avais envie d’aller vers quelque chose de plus électro ? Ça vient d’où ?
A la base, je faisais de la musique tout seul et c’est un peu ça qui a orienté ma musique. En fait j’adore chanter, et j’avais envie de mettre ma voix au centre. J’ai commencé à trouver des sons assez électroniques qui s’arrangeaient bien autour de ma voix. J’ai laissé ce son un peu froid derrière et ma voix prendre le côté plus vivant, plus organique. Donc finalement, c’est vers la musique électronique que je me suis tourné.
Ça te manquait un peu aussi le chant ?
Ouais, ça me manquait. C’est une émotion différente. Quand tu es sur scène avec un groupe, tu te sens soudé, faire partie d’un truc. Mais quand tu chantes tes chansons tu les redécouvres, tu les comprends, tu t’exprimes.
Tu te dévoiles aussi. Ce n’est pas un peu difficile ?
Ouais, je pense que je suis quelqu’un d’assez réservé en plus. Pour le moment, je n’arrive pas trop encore à parler au public, c’est pas hyper naturel pour moi. Mais le chant me permet de transcender ça. Et je pense que j’adore chanter effectivement pour ça aussi.
Au niveau des textes, il y avait des choses que tu avais envie d’exprimer ?
Sur l’EP c’est très personnel. Il y a pas mal de chansons que j’ai écrites pour des gens qui me sont proches et à qui j’avais envie de dire des choses. Parfois, quand tu parles à quelqu’un, tu n’utilises pas forcément les bons mots, et ça m’a permis de le faire.
Tu as choisi le nom de Faroe pour l’inspiration marine ? Il y a une grosse polémique avec les dauphins sur cette île…
Non, il n’y a pas de lien avec ça, je ne savais même pas qu’ils faisaient ça aux iles Féroé. En fait, je cherchais un nom qui évoque un fantasme. Parce que la musique me permet de me dépasser. Quand j’étais petit avec mon frère, on regardait les atlas et on était obsédés par toutes les images qu’on voyait. On se disait : « mais c’est fou ! ». J’ai pu y aller enfin l’été dernier, et c’est un pays incroyable, les gens sont juste des amours. Et concernant cette histoire de dauphins… il faudrait que les gens en France écoutent ce que les gens des iles Féroé ont à dire, parce que la manière dont c’est dépeint à travers nos fils d’actualité Facebook, ce n’est pas du tout comme ça que ça se passe.
Tu en as discuté avec eux ?
Oui complètement, les gens là-bas sont très ouverts donc c’est très facile de discuter avec eux.
C’est aussi un acte social pour eux. C’est une chasse, pas un massacre, ce n’est pas une boucherie : ils les chassent et les mangent entièrement. Ils les repèrent dans la mer et vont avec des bateaux taper sur les coques pour repousser les dauphins vers la plage. Ensuite, ils les tuent sur la plage, les dépècent, font des tas de nourriture plus ou moins équitables, et il y a un mec qui se retourne qui ne regarde pas les tas et qui désigne à qui sera la part, un peu comme la galette des rois chez nous. Le commerce de la viande de dauphins est interdit, donc tu ne peux en manger que si tu as fait « grind » (le nom de cette tradition). Les dauphins mangent beaucoup de plancton et du coup ils contiennent de la vitamine D. Et en fait, aux iles Féroé, il n’y a du soleil que deux semaines par an, et comme le corps humain a besoin de vitamine D, pour eux, manger du dauphin, c’est assez important. Tu te rends compte que le système est beaucoup plus compliqué qu’il n’y parait. C’est une espèce de dauphin qui n’est pas en voie de disparition, et ce n’est pas comme la pêche aux baleines ou par des chalutiers immenses pour les revendre à des prix pas possibles. Là, c’est juste une tradition. Après, on peut être contre, mais je pense qu’il faut les écouter quand même.
Le côté marin, c’est un esprit dans lequel tu te reconnais ?
Ouais, quand j’étais aux iles Féroé je n’ai pas été à la plage, car il n’y en a pas : ce sont des iles avec des immenses falaises et de l’herbe rase. Mais c’est là qu’il y a les plus hautes falaises sur mer du monde : elles sont à 600 mètres au-dessus de l’eau ! Il y a quelques endroits où il y a des rochers qui descendent dans l’eau mais je pense qu’elle doit être très très froide ! C’est quand même entre l’Ecosse et l’Islande… J’aimais bien la sonorité de « Faroe » aussi, tout simplement, ça compte.
Ce n’est pas la première fois que tu viens jouer à Cabourg Mon Amour…
J’y avais joué il y a deux ans avec Samba de la Muerte et j’ai joué aussi vendredi avec eux. Il y a deux ans, le festival ne se passait pas sur la plage, c’était juste dans le casino. Au début, c’était juste des étudiants qui organisaient ce truc-là. Le site est quand même pas mal !
Tu as déjà des morceaux enregistrés pour un prochain disque ?
Ouais ! Je viens de finir d’enregistrer un morceau que je vais sortir à la rentrée je pense, puis en parallèle, je vais continuer à faire des morceaux et puis je pense que je vais faire un album. Je ne sais pas encore quand il va sortir.
Propos recueillis par Aurélie Tournois // Photographie: Elise Schipman