Rencontre // Stereophonics // « Nous n’avions aucune idée de ce qu’on était en train de faire. Mais au final, ça sonne plutôt bien! »

 Rencontre // Stereophonics // « Nous n’avions aucune idée de ce qu’on était en train de faire. Mais au final, ça sonne plutôt bien! »

Nous avons rencontré Kelly Jones et Richard Jones, chanteur/guitariste et bassiste de Stereophonics à Paris fin janvier. Alors que leur nouvel album Graffiti On The Train sortira lundi prochain, ils nous racontent le plaisir qu’ils ont éprouvé à enregistrer cet album en toute liberté, sous leur propre label, en mêlant à leurs compositions leur passion commune pour le cinéma et les roadtrips.

 

 

Cela fait déjà un an que vous avez terminé votre dernière tournée. Quels ont été vos projets depuis? 
Kelly Jones: La tournée de nos deux derniers albums a duré trois ans, par intervalles. Cette fois, on a décidé de fonder notre propre studio afin de se consacrer à la création, écrire des idées de films et faire de la musique. C’était intéressant de voir comment on s’y prenait hors du chaos frénétique des voyages incessants. Je ne sais pas pourquoi on n’avait pas essayé avant, car c’était vachement sympa! C’était agréable d’avoir la liberté de prendre son temps et de ne pas s’obliger à terminer un disque en six semaines. On a pris le temps de profiter de nos familles, on est retourné aux choses simples. C’était sympa de sortir nos fringues d’un dressing plutôt que d’une valise.

C’est le premier album que vous publiez sous votre propre label (Stylus). Cette liberté vous a-t-elle permis de vous affranchir des limites imposées par les labels de majors?
Richard Jones: On a enregistré l’album de la même manière qu’avant. C’est plus dans la façon de le transmettre au public qu’on ressent davantage de liberté, avec par exemple le clip de Violins And Tambourines (réalisé par Kelly Jones, ndlr) ou Indian Summer. On a pris la décision de se séparer de Mercury Records pour cet album au milieu de l’an dernier. On n’a pas renouvelé notre contrat, car on voulait publier cet album comme on l’entendait, sans la pression du premier single radio et avec plus de contrôle sur ce qu’on fait.

 

Une anecdote est à l’origine du nom de l’album « Graffiti On The Train »…


Kelly
: On a commencé à enregistrer des démos en décembre 2010, alors qu’on était encore en tournée. Un jour, chez moi, j’ai entendu des pas au plafond tard le soir. Je suis allé à la fenêtre et j’ai vu deux types sur mon toit. Je pensais qu’ils voulaient entrer par effraction, mais ils m’ont dit « Non, on n’essaie pas de rentrer chez toi, on veut juste escalader pour aller sur la voie ferrée derrière ta maison« . Je me suis dit: « Quels risques, juste pour aller voir un putain de train! » Mais j’ai alors commencé à penser à un scénario avec un jeune homme qui écrirait des messages sur un train pour que sa copine les voie, j’ai ensuite imaginé qu’il la demandait en mariage, jusqu’à la tragédie où il monte sur le train et tombe à terre. Ce sont des idées de petits films et la musique sert de fil directeur à travers cette histoire, comme une bande originale, une ligne de visée pour chacun, qui permet de faire l’album en se basant sur ces histoires, tout en écrivant ces histoires à partir de l’album, c’était assez confus! Ça n’avait de sens que lorsque les deux étaient combinés.

Que se passe-t-il entre cet homme et cette femme que l’on voit s’embrasser dans un train dans le clip d’Indian Summer?

Kelly
: Indian Summer est notre troisième clip. L’actrice, Caroline Ford, joue aussi dans celui de Violins And Tambourines. L’homme, c’est Kerr Logan (Game Of Thrones, Good Vibrations, ndlr). C’était sympa de bosser avec eux. A la base, ce morceau n’était pas sur cet album, mais sur un autre groupe de chansons. En fait, on avait terminé l’album dix mois plus tôt et quelqu’un l’a entendue et nous a dit: « vous devriez la mettre sur l’album, c’est une chanson parfaite pour la radio« . Elle raconte l’histoire d’un mec assis dans ce train tous les jours et qui voit cette fille se servir de lui comme d’un jouet. Elle semble inaccessible et, juste au moment ou il pense l’avoir séduite, elle descend du train et s’en va, mais il a pris soin de lui laisser son numéro. Donc soit ils font ça tous les jours et c’est leur mode de fonctionnement, ou bien ils partent en lune de miel et elle continue de jouer avec lui. Tu peux l’interpréter comme tu veux. Au moment où je l’ai écrite, j’avais plutôt l’idée qu’il était un petit jouet dans son jeu. Après, est-ce que c’est un jeu auquel ils jouent tous les jours ou un jeu de rôle, je ne sais pas.

 

Les personnages prennent une grande importance dans vos textes. Ressentez-vous le besoin de personnifier certaines situations pour exprimer vos sentiments?
Kelly: Oui, parfois. Beaucoup de nos disques, celui-la en particulier, mais aussi le premier, mettent en scène de nombreux personnages et des histoires narratives. On vit nos propres expériences à travers des personnages et d’autres à travers la vie des gens qui nous entourent. Et quelquefois, c’est sympa de se séparer un peu de soi-même. Nos autres disques sont vraiment très personnels, toujours écrit à la première personne et toujours a propos de sentiments: je ressens ci, je ressens ça… et tu essaies de vivre ce dont tu es à la recherche. Mais pour cet album, l’histoire de ces garçons sur le toit, c’est une histoire narrative.

 

Kelly, sur Take Me, tu chantes avec ta copine Jakki Healy. Comment s’est fait ce choix?

Kelly
: J’adore l’album Murder Ballads de Nick Cave, sorti il y a longtemps (en 1996, album constitué de ballades sur le thème du meurtre, ndlr). Il y a fait une chanson avec Kylie Minogue. Curieusement, même si c’est une chanson très noire, il y a une dimension très suave. Je l’adorais et ne l’avais pas entendue depuis longtemps. Quand j’ai composé le piano pour Take Me et que les lyrics ont commencé à me venir, j’ai ressenti qu’il fallait une voix douce mais dans la nuance. Jakki est venue et a fait une démo. On l’a beaucoup aimée et alors qu’on ne pensait pas que ce serait la voix finale, c’était si bon qu’on ne l’a jamais changée. C’est une bonne chanteuse!
Richard: On avait besoin d’une fille pour chanter rapidement, Jakki était là!
Kelly: Oui, ça s’est vraiment passé comme ça!
 
En tant que passionnés de cinéma, quels sont vos films préférés et comment ceux-ci vous inspirent-ils?


Kelly
: Les tournées nous ont fait beaucoup voyager. Du coup, on a vu pas mal de films dans l’avion ou le tourbus. Mais surtout, on a grandi dans les années 80 avec des grands frères. J’ai regardé beaucoup de films de Stanley Kubrick, Robert Altman et Scorcese quand j’étais enfant. J’aime aussi le film français l’Appartement avec Vincent Cassel et La Haine. Javier, notre batteur argentin, nous a rapporté pas mal de films internationaux, surtout des films italiens. On aime tout ce qui cache une chouette histoire!

 
En vingt ans de carrière, vous avez passé dû beaucoup tourner. Quels pays vous ont le plus surpris ?


Richard
: Oui, on a joué en Russie, à Singapour, au Chili, en Argentine, à Jakarta, Kuala Lumpur…. Ce sont les endroits comme ceux-là, où l’on ne fait jamais de concert d’habitude, qui nous surprennent le plus, ou il y a une passion pour le groupe, une audience qu’on n’aurait jamais cru avoir. 

Kelly: On est allé dans de très petites villes. C’est toujours bizarre de voir autant d’excitation de la part du public quand on monte sur scène. Les gens sont adorables car ils sont très reconnaissants que tu viennes chez eux.
Richard: Voyager est très inspirant quand tu vois l’étendue de pays comme l’Australie ou l’Amérique. On passait devant certains endroits et on les reconnaissait : « tiens, c’est dans tel film! »
 Sur ce nouvel album vous faites davantage de chansons jazzy et bluesy, comme Been Caught Cheating. Vous jouez du lap steel sur Take Me. Vous aviez envie de vous ouvrir à d’autres styles?

Kelly: C’est un album très spontané. On l’a enregistré au fur et à mesure. La pièce était remplie d’instruments et je me suis mis à jouer du lap steel sur quelques chansons, sur Take Me notamment, mais aussi sur Been Caught Cheating. Le jour où l’on a fini l’album, il était minuit et j’ai dit aux autres « oh, j’ai enregistré un truc à l’arrache mais je ne pense pas qu’on l’utilisera, c’est un peu bluesy« . J’avais juste une base. On a voulu l’enregistrer en une prise et on l’a mise sur l’album. C’est un style de musique qu’on a toujours adoré mais qu’on n’a jamais exploité sur un album auparavant. Il y avait toujours un instrument autour de nous avec lequel on s’amusait, ce qui va surement avec le fait qu’on avait plus de temps et plus de liberté et qu’on n’était pas confiné dans un tout petit espace. C’était marrant de jouer avec des instruments dont on n’avait jamais joué avant. Nous n’avions aucune idée de ce qu’on était en train de faire. Mais au final, ça sonne plutôt bien!


Dans le clip de Dakota, Kelly,tu conduisais une décapotable, aujourd’hui vous prenez le train… C’est important pour vous de vous retrouver sur la route pour raconter des histoires?

Kelly
: On est né dans une très petite ville. On n’avait jamais voyagé nulle part avant, du coup notre premier album est basé sur le fait de toujours rester dans la même petite ville. Maintenant, on n’arrête pas de voyager, on voit tout à travers les hublots des avions, un peu comme à travers un écran de cinéma. On a juste des aperçus et on doit s’imaginer le reste, parce qu’on ne voit jamais la suite des évènements, on commence à peine à voir une chose qu’il faut déjà passer à la suivante. Du coup, tu as des snapshots de partout dans le monde, comme des cartes postales de chaque ville. Les clips donnent l’impression que tout bouge beaucoup, qu’il se passe mille choses. Mais au début, quand on arrive quelque part, c’est toujours un peu mystérieux. Notre worldtrip ne se focalise pas sur les lieux qu’on parcourt mais plutôt sur les personnes qui nous entourent, la façon dont elles changent et tracent leur propre chemin. C’est juste ça qu’on a voulu représenter la plupart de temps. Et parfois c’est juste parce qu’on veut pas être debout dans nos clips, on a envie de conduire une voiture et un vélo ! (rires)

 

J’ai appris que vous alliez sortir un autre album qui sera la suite de Graffiti On The Train. Pouvez-vous  nous en dire un peu plus?


Richard
: On a enregistré 25 morceaux et l’idée est de sortir la suite de Graffiti On The Train dans les douze mois suivant, peut-être un peu plus tard…
Kelly: L’histoire va continuer, aller un peu plus loin. On a enregistré trois albums en un. On n’en a choisi que 10 pour Graffiti On The Train. Je pense que ce sera un volume 1/ volume 2. Comme dans Kill Bill, mais pas exactement !

 
La Playlist de Stereophonics:
 
Unkle – Another Night Out
Tom Waits – Eggs and Sausage


Propos recueillis par Aurélie Tournois // Photo: Jacques de Rougé
 

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