Rencontre // Baxter Dury
« La chanson est un art mineur ». Si cette citation est de notre Serge Gainsbourg national, elle pourrait tout à fait aujourd’hui sortir de la bouche de Baxter Dury. Alors qu’il s’apprête à fouler les planches de l’Olympia, notre dandy anglais préféré, fils de l’icône punk Ian Dury, s’est révélé lors de notre entretien, être le plus disponible et modeste des hommes. Il s’est confié sur sa façon d’aborder son métier et son lien si particulier avec la France, sans oublier de ne surtout jamais se prendre trop au sérieux.
En lisant quelques-uns des entretiens que tu as pu donner aux médias français pour préparer cette interview, j’ai remarqué que tu t’amusais beaucoup du fait qu’on te considère ici comme une sorte d’icône de mode! Est-ce que tu joues de cette image aujourd’hui ?
Oui, c’est toujours amusant de jouer avec les images dont on t’affuble quand l’attention se porte sur toi parce que ça te… distrait de toi-même. C’est bon d’avoir une sorte de contre-personnage pour faire tampon avec cette pression, parce qu’au final, tout ce qu’on fait n’est que de la fiction. On crée des silhouettes sur scène, on chante des pensées abstraites. La mode m’est vraiment tombée dessus par accident, mais c’est génial, ça me permet d’avoir des manteaux gratuits, des chaussures ! (Rires)
Tu as même été mannequin pour agnès b !
Ouais ! Je ne sais même pas comment ça s’est fait… On a été mis en contact et je l’ai trouvée vraiment très sympathique, on est devenus amis. Elle a toujours essayé de ne pas se conformer aux tendances évidentes de la mode et aime présenter des mannequins alternatifs. Alors elle m’a proposé d’en faire partie. C’était drôle, j’ai trouvé ça très facile à faire en fait!
Est-ce que tu dirais que tu te dédoubles un peu ? Que le Baxter Dury qui sur est scène et celui qui est à la ville sont différents ?
Pas complètement, mais c’est vrai que j’aime bien avoir un personnage. Personne n’a envie d’être constamment un idiot, on ne peut pas rentrer chez soi et être le même que sur scène, ce serait insupportable. Alors on accentue ses traits de caractère sur scène pour que le message passe mieux auprès du public, on ne peut pas se contenter d’être normal. Donc on est en quelque sorte différent, oui.
Tes concerts sont aujourd’hui de vrais shows. Comment est-ce que tes performances scéniques ont évolué ?
Elles évoluent en même temps que la confiance qu’on prend sur scène. On devient de moins en moins inquiet de tout ce qui pourrait mal se passer. On se dit que les petits accidents peuvent finalement être de bonnes surprises. Et alors on peut vraiment profiter tout ce qui peut se passer sur scène. Mais il faut aussi faire attention à ne pas être trop sûr de soi, être trop détendu te fait plutôt régresser. Il faut savoir doser, avoir confiance en soi tout en restant un peu nerveux!
As-tu évolué de la même façon dans ton écriture ?
L’écriture change à chaque album en fonction de ce qu’on ressent. Ce n’est pas quelque chose qu’on maîtrise totalement, on ne devient pas meilleur ou pire avec l’âge, tout dépend de ce que tu vis à ce moment-là. La chanson est une forme d’art très simple en fait, très directe et liée à tes sentiments et non pas à ton talent. Ca ne dépend pas de la vitesse avec laquelle tu arrives à jouer du piano, ce n’est pas ça qui va faire la différence… Des gamins de quinze ans peuvent écrire de meilleures chansons que des gens de soixante ans. C’est une forme d’art non-exclusive.
Est-ce qu’il y a un sentiment prédominant dans It’s a Pleasure ?
Je n’en suis pas sûr, je n’y pense pas plus que ça en fait. J’ai juste exprimé ce qui me venait naturellement. Je me mettais à écrire et puis j’avançais. Je n’essaye pas d’analyser mes chansons. Certaines ont une réelle signification et d’autres non.
C’est vrai que tes paroles laissent à libre interprétation, est-ce voulu ?
C’est absolument vrai, mais c’est plutôt de la paresse en fait! C’est de la paresse dans le sens où je n’ai pas pris la peine de me concentrer pour écrire quelque chose de narrativement complet, toutes mes chansons ont une fin ouverte.
Est-ce qu’il y a une phrase dans les paroles de cet album qui pourrait en résumer l’esprit ?
Peut-être… Mais j’ai toujours trouvé que c’était aux autres d’analyser les paroles d’un album plutôt que soi-même sinon on se prendrait trop au sérieux ! En réalité je suis un peu embarrassé quand je pense aux choses que j’écris. Il y en a certaines que j’aime bien mais… je n’ai pas nécessairement envie d’en parler, d’entrer dans les détails, c’est idiot ! Ca ne me dérange pas que quelqu’un d’autre le fasse par contre. D’ailleurs certaines personnes ont de meilleures idées sur ce que je dis que ce à quoi j’avais pensé à la base. Alors parfois je leur pique leurs idées parce qu’elles sont meilleures !
Qu’est-ce qui t’a donné le plus de plaisir pendant la création de cet album et tout ce qui a suivi ?
J’ai aimé le terminer. Ce qui te fait avancer dans le processus de création c’est ce que tu imagines pouvoir accomplir, les espérances que tu peux avoir sur ce que sera ton disque. C’est bien parce que ça te rend un peu dingue, tu t’imagines pouvoir régner sur le monde ! J’ai aimé aussi le sentiment d’accomplissement et puis le fait de passer à autre chose ensuite, tu vois ? Tu fais ton truc et puis c’est fini, tu avances !
Tu as une relation particulière avec la France, tu as signé chez un label français (Pias) et travaillé avec une chanteuse française, Fabienne Debarre, comment ça se fait ?
Je ne saurais pas vraiment expliquer pourquoi on a plus de succès ici que n’importe où ailleurs, mais le fait est qu’on est du coup très souvent en France et on y rencontre beaucoup de gens, donc c’est parti de là. Peut-être que ce que je fais rappelle d’autres choses qui ont été populaires en France, comme Gainsbourg peut-être, je ne sais pas… Fabienne était dans un groupe qui avait fait notre première partie ( We Were Evergreen, ndlr) et elle était tellement talentueuse que ça valait la peine d’essayer de la faire jouer dans notre propre groupe ! Elle est vraiment brillante.
Elle continue à jouer avec vous en tournée ?
Oui elle nous accompagne pour ces prochains mois.
Ton prochain concert est à l’Olympia, comment est-ce que tu l’appréhendes ?
J’espère que je vais afficher complet mais ce n’est pas facile ! Ce sera bien en tout cas je pense. C’est une salle qui a une bonne taille, beaucoup d’Histoire. Je ne peux pas me plaindre, je suis content !
Quelle est l’histoire de ce cygne sur la pochette de l’album ?
Ah ! Il n’y a pas vraiment d’histoire en fait, c’est ça l’histoire, c’est qu’on dirait qu’il y en a une ! C’est du faux symbolisme. En fait la pochette a été faite à partir d’une photo de vacances qui était accidentellement bonne et je me suis dit que je ne pouvais pas la laisser telle quelle, ce serait me prendre bien trop au sérieux alors j’ai voulu mettre un cygne à côté pour ne pas trop attirer l’attention sur ce portrait de moi.
La plupart du temps, les artistes dont les parents sont aussi célèbres détestent qu’on les questionne sans cesse sur eux, mais j’ai l’impression que ce n’est jamais le cas avec toi, je me trompe ?
Eh bien je reste poli quoi ! Ça devient lassant, comme n’importe quelle question qu’on te répète tout le temps depuis tout jeune. Mais on apprend à faire avec, ça ne sert à rien d’être désagréable. Ce n’est qu’un tout petit prix à payer par rapport à la chance d’avoir eu des parents artistes ! Et puis on a toujours eu d’excellentes relations. Mais la question se pose moins en France qu’en Angleterre où c’est vraiment une obsession ! Mon père a vraiment eu un énorme impact et c’est compréhensible, il était tellement british !
Que peut-on te souhaiter pour le futur ?
Du bonheur ! (rires) J’espère travailler très vite sur quelque chose de nouveau et de différent ! J’ai hâte de faire de nouvelles choses.
Dans un autre domaine artistique peut-être ?
J’y ai pensé, oui, mais je ne sais pas jusqu’à quel point ce serait réalisable. J’ai toujours adoré écrire mais je n’ai pas fait beaucoup d’études. Je suis un peu brut de décoffrage c’est pour ça que je trouve que le songwriting me correspond bien, c’est simple. Je rêverais d’explorer d’autres arts mais j’ai peur d’avoir trop de lacunes.
La Playlist de Baxter Dury
(Lorsque nous lui présentons notre petit « carnet de playlist », Baxter nous avoue qu’il ne retient jamais le nom des morceaux qu’il écoute. « Je vous donne les noms des groupes, et vous n’aurez qu’à choisir un morceau pour chacun. » Du coup, le choix du groupe est de lui, le morceau de nous.)
Slaves
John Coltrane
Gene Vincent
The Cure
Slye And The Family Stone
Propos recueillis par Kirana Chesnel // Photographe: Jacques de Rougé