Rencontre // Austra // Lyrisme galactique
Nous avons rencontré Katie Stelmanis, leader d’Austra et prodige vocal, à Saint-Malo, quelques heures avant sa montée sur scène pour le festival La Route du Rock. L’occasion d’évoquer avec la chanteuse la genèse de leur dernier album Olympia, la richesse culturelle canadienne, et son approche du festival.
Tu as des origines italiennes, anglaises et lettones et vous vivez tous au Canada. Comment cette richesse multiculturelle influence-t-elle votre musique ?
Katie Stelmanis: Ce qui est intéressant au Canada, c’est que la première question que tu poses à quelqu’un que tu rencontres, c’est : « d’où tu viens ? » Car personne n’est vraiment canadien, à part si tes ancêtres sont nés sur le continent américain. Etre canadien implique d’avoir des origines diverses. Tous les membres du groupe viennent d’ailleurs. Ma batteuse Maya est polonaise, mais elle est née en Afrique du Sud. Mon bassiste Dorian est moitié américain, moitié allemand. Ryan, mon claviériste, a grandi au Canada mais est en partie ukrainien. On a l’habitude, car là où nous vivons, tout le monde vient d’ailleurs. Notre culture consiste à s’ouvrir sur le monde. C’est ça, être canadien.
Comment as-tu rencontré les autres membres d’Austra ?
K. S. : Je connais Maya depuis dix ans, on jouait ensemble dans notre tout premier groupe Galaxy, une sorte d’Austra au féminin en plus punk. Puis, j’ai commencé à faire de la musique en solo à-côté, elle m’a finalement rejoint et c’est comme ça qu’est né Austra. On a rencontré Dorian par des amis et j’ai recruté ensuite Ryan. Alors qu’il faisait partie d’un autre groupe, je l’ai vu en concert et je me suis dit : « je l’adore ! ». Dès ce moment-là, j’ai voulu qu’il vienne jouer avec nous, et aujourd’hui il est dans le groupe !
Tu as commencé la musique par un apprentissage du classique (cours de piano puis entrée au Chœur d’Enfants de l’Opéra canadien). Comment mêles-tu cette éducation classique avec la musique électronique ?
K. S. : Avec ce disque, j’ai essayé de me débarrasser de la musique classique. Enfin, non pas vraiment. La musique classique reste très importante et cohérente. J’ai essayé de me détacher de cette influence que l’opéra avait sur moi, car je trouvais que depuis trop longtemps, dans toutes les musiques que je composais, j’étais toujours à fond dans le mélodramatique. Cette fois, je voulais que ce soit un peu plus maîtrisé. Et dans ce sens, j ai essayé de m’éloigner de ce style de chant.
Est-ce que tu peux nous parler un peu de la genèse d’Olympia et de son enregistrement ?
K. S. : Olympia a commencé comme Feel It Break. J’étais chez moi, j’ai enregistré des démos que j’ai uploadées sur mon ordi. Ensuite, je les ai présentées au groupe et chacun y a apporté sa touche personnelle. On a enregistré le disque tous ensemble. C’est quelque chose qu’on n’avait jamais fait avant.
Olympia a été enregistré entièrement avec de vrais instruments, sans sons virtuels. Pourquoi était-ce si important pour vous ? Est-ce que ça te paraît plus authentique ?
K. S. : C’était important pour nous car on avait passé tellement de temps à faire de la musique juste avec des ordinateurs… J’ai commencé à composer comme ça quand j’avais quelque chose comme 19 ans et je n’avais jamais fait d’album studio avant. Je n’avais jamais joué d’un instrument. C’était une complète nouveauté. Quelque chose de totalement différent.
Les paroles de vos morceaux semblent se focaliser sur la puissance et la force des sentiments. Pour toi, cette voix « classique » est-elle le meilleur vecteur pour exprimer des émotions dramatiques ?
K. S. : Je pense que tout le monde peut exprimer ces émotions. Quiconque écrit un morceau, en quelque sorte, a cette façon relativement mélodramatique de chanter. Je pense que la plupart des chansons dans le monde parlent de romance, d’amour, de ruptures et de toutes ces choses. C’est le même sujet depuis 300 ans !
Quel est le thème principal d’Olympia ?
K. S. : Je suppose qu’il est difficile de définir un seul thème. Il y a quelques thèmes fleuve. La quête du pardon, je crois que c’est un des plus évidents. La recherche de sécurité, aussi. Je pense que beaucoup des morceaux évoquent le fait de vieillir et de prendre conscience de ce qu’est notre monde aujourd’hui, comparé à ce qu’il était il y a dix ans.
Quel est ton meilleur souvenir de festival ?
K. S. : J’ai un souvenir très cool ! On a joué à Helsinki il y a quelques jours et notre compagnie aérienne a perdu tous nos bagages. En arrivant, on n’a pu dormir qu’une heure. Nous n’avions aucun instrument, mais les mecs du festival ont été très sympa et nous ont prêté des claviers et des percus. On n’a même pas eu le temps de vérifier le son, on a dû courir sur la scène… C’était énorme ! On était un peu stressés car on ne savait pas comment ça allait se passer, mais au final, je crois que c’est mon concert préféré de la tournée.
Quel groupe aimerais-tu aller voir en concert à La Route du Rock ?
K. S. : Je suis très impatiente d’aller voir Julia Holter, qui ouvre ce soir. J’ai entendu beaucoup de bien sur ses concerts. Ça fait un moment que je veux la voir.
Il y a une vague d’excellents groupes canadiens en ce moment en Europe. Lequel tu nous recommanderais ?
K. S. : Il y a effectivement un bon groupe canadien, Diana, qui sort son album la semaine prochaine sur le label Jagjaguwar. Je ne sais plus comment s’appelle le disque, mais ils sont de Toronto et sont excellents, tu devrais écouter !