Si l’on a eu le droit à un tour de chauffe la veille avec Gush, Gabriel Rios et Stromae, c’est bien ce vendredi que débute vraiment le festival.
La première surprise de cette journée, c’est de voir Nina Goern et Yohan Hennequin de Cats On Trees reprendre l’émouvant Mad World de Tears For Fears. Le visage juvénile de la chanteuse, en salopette, et son sourire en entonnant leur tube Sirens Call, achèvent de nous convaincre. Le public est encore bien parsemé vu l’heure. Étonnant, alors que joue sur scène la révélation française de l’année, d’ailleurs nommée aux Victoires de la musique.
On enchaîne tout naturellement avec… The Dillinger Escape Plan. Gros décalage dans la programmation, on s’attend au pire concernant les réactions du public, qui il faut l’avouer n’est pas vraiment l’audience de festival la plus métal qui soit. Pourtant, l’incroyable énergie du groupe et leur jeu de scène de dingue mettent une claque radicale à tout le monde, peu importe qu’on soit très porté sur le mathcore ou pas du tout (la majorité des gens ne savent pas vraiment ce que c’est, y compris dans l’espace presse). Une belle preuve de l’éclectisme du festival, pourtant pas réputé pour son intérêt des musiques très alternatives. Sur la route du festival, le matin même, on avait entendu le groupe déclarer sur une radio locale être très fier de jouer au milieu de groupes très différents d’eux, et on peut voir qu’ils sont contents d’être sur scène et pas là pour faire les choses à moitié… Le chanteur finira le visage en sang, après avoir escaladé un pilier et détruit la moitié de la batterie pendant que le guitariste marchait sur les épaules des gens des premiers rangs en jouant de son instrument. Grand moment.
Un peu plus tard dans la journée, un autre groupe majeur qui a explosé cette année: London Grammar. Les Anglais, qui se sont rencontrés à Nottingham il y a quatre ans, se sont fait connaître grâce à leurs singles Hey Now et Wasting My Young Years, ainsi que leur réinterprétation très personnelle de Nightcall de Kavinsky. La voix d’Hannah Reid est impressionnnte, pour un corps aussi frêle. Les trois amis ont commencé à jouer ensemble en faisant des reprises des Doors ou de Nina Simone. Aujourd’hui, ils ont fondé leur propre label et sont album de platine en Angleterre et en France. « La seule différence que l’on ressent avec avant, c’est qu’on passe la plupart de notre temps loin de chez nous », déclarent-ils, modestes, en backstage. Avec la programmation de Disclosure ce soir à l’affiche du festival, on aurait pu espérer entendre en live le featuring d’Hannah avec ses compatriotes et génies de l’électro. Mais avant même de monter sur scène avec son groupe, la blonde explique que la rencontre sera impossible, vu l’heure de passage du groupe. Et puis de toute façon, ce n’est pas la peine d’attendre Hannah à la sortie pour boire un verre. « Pour préserver ma voix en tournée, je ne bois pas, et je ne fais pas la fête », confie-t-elle avec désolation. Sur scène en tous les cas, leur musique est grandiose. La voix de la jeune femme résonne dans tout le parc de Beauregard à donner des frissons, et les mélodies de London Grammar ne sont pas sans rappeler les morceaux de The XX, à qui ils sont régulièrement (pour ne pas dire constamment) comparés (ce qui n’est pas sans les flatter).
Autre belle surprise de cette journée: le retour de Blondie. Le groupe fête cette année ses 40 ans de carrière et sort pour l’occasion un nouvel album, assorti d’une tournée mondiale. Un come back très attendu par les festivaliers, qui voient arriver avec un plaisir non dissimulé la toujours très blonde Debbie Harry et sa bande. C’est avec One Way Or Another que débute le set. La chanteuse, du haut de ses 69 ans, est en grande forme. Habillée tout en blanc, elle se déhanche et donne de sa personne, comme au bon vieux temps. Sa voix, toujours aussi impressionnante, subjugue les fans. C’est clair, ce soir, c’est bien elle la star. Mais fair play, elle laisse la vedette à son guitariste (qui détonne par sa jeunesse au milieu du groupe) le temps d’un solo en devant de scène. On revit nos soirées adolescentes en dansant sur Heart Of Glass et Atomic puis en hurlant sur Call Me. La reprise de You gotta Fight For Your Right des Beastie Boys, vient confirmer que les Américains sont (presque) toujours aussi rock’n’roll.
Dans un tout autre registre, le live d’IAM a aussi suscité notre hormone de la nostalgie. Les rappeurs imposent le respect, et chacun de leur morceau est accueilli comme un classique. Les anciens morceaux sont repris en chœur par les festivaliers, les Marseillais brandissent des sabres lasers sur L’Empire Du Coté Obscur, s’assoient sur un banc pour recréer une scène de rue pour Demain C’est Loin… bref, un show classique, qui marche et qui donne envie de se ré-écouter toute la discographie de l’un des meilleurs groupes de rap français existant.
Il se fait tard et malgré nos membres engourdis par le froid et la pluie, on se lance dans des danses improbables devant Disclosure. Les Britanniques ouvrent leur set avec l’excellent When A Fire Start To Burn, et effectivement, ils mettent le feu. Leur electro dansante et jouissive prend des atours différents selon les instruments qui l’accompagne. Basse, batterie et synthé viennent s’immiscer sur leur beats vitaminés. Les deux garçons, avec leur tête de premiers de la classe, envoient du lourd, au gré des animations en 3d qui s’affichent derrière eux sur un écran géant. Merci Disclosure, grâce à vous on aura mal aux jambes demain, mais on s’est éclatés à en oublier la pluie.
Rédactrice: Aurélie Tournois // Photographes: Emmanuel Gond et Jacques de Rougé