FUJI ROCK : On a testé un festival de musique au Japon !

 FUJI ROCK : On a testé un festival de musique au Japon !

Août 2019, nous sommes dans le « monde d’avant », tout semble possible et cet été là, avec l’équipe de Dancing Feet, on décide de se rendre dans le plus grand festival de musique du Japon : le FUJI ROCK (qui ne se trouve pas sur le mont Fuji mais dans une station de ski à 200 km de la capitale) dont la programmation et la réputation nous font rêver depuis des années.

Cette affiche du Fuji Rock 2019 était notre première raison de nous rendre à l’autre bout de la planète. Si la venue de plusieurs de ces groupes est déjà un événement en France (The Cure, Thom Yorke, Khruangbin, King Gizzard…) l’occasion de les voir au milieu des montagnes du Japon se présentait comme un scénario parfait. 

Après un (très) long périple, on arrive devant la fameuse station Naeba le vendredi en début d’après-midi et un climat tropical à base de pluie chaude est là pour nous accueillir. Nos contacts japonais nous avaient prévenus : « Le Fuji Rock se passe dans la forêt en haut des montagnes, et il faut être très bien protégés contre les tiques et la pluie ». Welcome to the jungle !

On enfile nos vêtements étanches, ce qui nous permet de mieux nous fondre dans la masse. Ici, les gens sont habitués à cette météo qui ne semble déranger personne.

Avant même de passer les portes du festival, on traverse une première zone transformée en espace de fête accessible gratuitement à tous, avec ou sans billet. Il y a des bars et des clubs cachés dans tous les sens, des sculptures et œuvres d’arts éphémères qui posent une ambiance à mi-chemin entre le Burning Man et une fête foraine post-apocalyptique, et des petits bâtiments secrets qu’on ne découvre qu’après être passés 10 fois devant sans les voir. La nuit, des gens dansent sur les tables, tout le monde se parle, et on peut tomber sur un DJ set de parfaits inconnus ou de têtes d’affiches du Fuji Rock. C’est très dur à décrire mais je pourrais reprendre un billet pour le Japon juste pour passer 3 jours dans cet espace étrange où personne ne dort jamais.

Quand on a assisté à un certain nombre de festivals en Europe, ils finissent par tous se ressembler. Mais ici, chaque détail insolite attire notre attention et apporte son lot de questions. Une foule immense est installée dans des chaises de camping sur les reliefs autour de la grande scène. Beaucoup sont venus en famille et passeront les 3 jours exclusivement devant les têtes d’affiche. La pluie ne semble pas les déranger et on sent que beaucoup ont leurs habitudes ici. Le prix d’un billet pour une journée est de 21000 Yen, soit environ 160€ par jour pour passer son week-end assis sous la pluie à écouter des concerts de loin… C’est une approche très particulière de la musique. Tiens, d’ailleurs, si on allait voir des concerts ? –

King Gizzard & the Lizard Wizard

Il y a deux constats que je fais lors du premier concert auquel j’assiste au Fuji Rock et qui seront valables tout au long du festival.

Le premier est que le public japonais est attentif comme je n’ai jamais vu ailleurs : les fans comme les curieux ne quittent jamais les musiciens du regard et semblent toujours dans un état de transe entre l’admiration et la concentration pour ne pas perdre une miette de ce qui se passe sur la scène. Cela ne les empêche pas de vivre un moment de fête : il y a autant de pogos, de slams et de cris que partout où j’ai vu des concerts. Je remarque que beaucoup de Japonais dansent comme s’ils étaient chez eux en écoutant leur musique préférée et que personne ne les voyait, même lorsqu’ils sont seuls et loin de la scène d’où provient la musique.

Le second constat est que les groupes et artistes ne sont pas dans leur état habituel : devant eux se trouve un public très particulier, et tout autour : la forêt et les montagnes dans la brume… le décor est digne d’un film. On les sent particulièrement fiers et touchés de jouer dans ce cadre incroyable. 

En tant que photographe, j’essaye de capturer ces émotions sur le visages des artistes, mais aussi dans les premiers rangs du public.

Alors l’ambiance, les concerts, le décor…Tout ça c’est très sympa mais on sait bien que vous vous posez la même question que nous à ce moment-là : Qu’est ce que qu’on mange dans un festival au Japon ?

Oubliez le sandwich froid et les frites molles, ici on ne plaisante pas avec la bouffe. Laissez-moi vous planter le décor : il fait nuit, vous êtes trempés et vous terminez votre pinte devant un set de cumbia incroyable d’un DJ japonais inconnu au bataillon… Tout à coup, l’odeur provenant d’une échoppe arrive à votre nez et vous fait oublier tout le reste. Vous n’avez plus aucun contrôle. Vos jambes vous emmènent machinalement, et vous commencez à faire la queue. Vous êtes incapable de lire le menu affiché, et ça n’a aucune importance. Beaucoup de gens attendent en ligne devant cette petite cabane, et vous savez que c’est là qu’il faut aller et pas ailleurs. Après de longues minutes d’attente, une petite dame très concentrée termine de vous préparer ce qu’on vous verse dans un petit bol en plastique avec une modeste paire de baguettes jetables. A l’odeur, vous savez déjà que le moment va être grandiose. Ca y est, vous aussi vous ne sentez plus la pluie, vous ne ressentez plus la fatigue, vous ne pensez plus au fait que vous êtes complètement perdu dans les bois avec pas la moindre idée du chemin pour retrouver l’hôtel. A ce moment précis, tout est parfait. Arigato.

Oui, ça paye pas de mine, mais c'était merveilleux

Revenons à la musique. La programmation du Fuji Rock mélange des artistes de tous les pays, mais la scène japonaise n’y est que peu représentée et plutôt sur les scènes plus petites. La tête d’affiche emblématique de cette année : les Chemical Brothers. Un journaliste vétéran du festival m’explique que ces derniers ont toujours eu une connexion très particulière avec le public japonais (regardez le live de Don’t Think sur Youtube, vous me remercierez plus tard), à tel point que le Fuji Rock a créé une règle officieuse juste pour eux : le duo de Manchester ne peut pas participer au festival deux années de suite : sinon, ils seraient programmés presque à chaque édition tant la demande est forte.  

On est surpris de constater que certains groupes qu’on aurait juré voir sur la « Main Stage » sont programmés sur des scènes étrangement petites, ce qui donne un côté intimiste bienvenu et très rare. L’intensité du set de Thom Yorke fait couler quelques larmes dans les premiers rangs, et il règne une ambiance presque religieuse dans le public. Les Lumineers et Khruangbin jouent dans une zone plus reculée du festival, l’accès se fait en traversant de minuscules chemins à travers les bois, et on se sent privilégiés comme jamais devant les performances « cachées » de ces artistes mondialement connus. 

Le samedi, la pluie devient de plus en plus dense et on apprend qu’il y a un typhon dans la zone où se situe le festival, et qu’il se rapproche de nous. Nous sommes inquiets mais nous sommes les seuls : tout le monde a l’habitude de la mauvaise météo et des tempêtes dans cette région, et on voit le public garder son calme, certains en combinaison étanche intégrale et d’autres se promenant simplement en maillot de bain…

Nous repassons à l’hôtel pour tenter de mieux nous équiper contre la pluie qui est de plus en plus forte, mais malgré tous nos efforts, nous sommes trempés jusqu’aux os à peine quelques mètres après avoir remis le pied dehors. SIA va jouer dans quelques minutes sur la grande scène… N’importe quel autre festival et n’importe quel artiste aurait annulé la prestation et renvoyé les spectateurs chez eux, mais ici tout semble normal. Seul les photographes, réfugiés sous une petite tente proche de la scène, sont inquiets pour leur précieux matériel. Il fait nuit, le bruit de la pluie est assourdissant, et soudain : les lumières s’éteignent et la foule se met à crier. Je regarde les autres photographes, et sans parler la même langue, nous comprenons tous la situation à laquelle nous sommes sur le point d’êtres confrontés : nous allons photographier la tête d’affiche du festival en plein typhon.

Le titre I’m Alive ouvre le set, et ces paroles résonnent dans la montagne : « I was born in a thunderstorm »… C’est la situation la plus apocalyptique imaginable, on ne voit qu’à quelques mètres, tout n’est que boue et le public continue de faire complètement abstraction. Pas un seul sourcil froncé, des sourires sur tous les visages… Mon pauvre appareil photo est trempé malgré toutes les protections possibles et les réglages commencent à déconner. Faut il retourner à l’abri pour sauver mon matériel ? Sur scène, des techniciens passent frénétiquement le balai pour empêcher les danseurs de glisser pendant les impressionnantes chorégraphies.  Je parviens à capturer quelques images de la pop star australienne au moment du refrain épique « I’m still breathing, I’m still breathing, I’m alive ! ». Le sol tremble. J’ai l’impression d’être dans un film de Michael Bay. Après les photos sur les 3 premiers titres, nous restons devant la scène jusqu’à la fin du concert, vidant l’eau de nos bottes toutes les 5 minutes pour éviter de se noyer dedans et hurlant les tubes en regardant le ciel.. Je suis immunisé contre la pluie jusqu’à la fin de mes jours. Et j’ai photographié SIA. Au Japon. Pendant la pluie la plus extrême que j’aie jamais connu. Je voulais de l’aventure, et ça ne se passe pas trop mal.

Nous n’avons eu que 3 courtes journées pour tenter d’explorer au maximum le Fuji Rock. Si la grande scène et les zones principales se situent près de l’entrée, le festival est en réalité gigantesque… Les passages pour accéder à certaines scènes sont tellement étroits qu’il serait inimaginable en France d’autoriser un événement de plusieurs dizaines de milliers de personnes dans des lieux si difficiles d’accès et peu sécurisés. Mais l’organisation et la rigueur des Japonais est complètement compatible avec ce décor. On se perd littéralement le long de minuscules chemins où deux personnes peinent à se croiser pour arriver dans des zones secrètes ou des clairières immenses avec de nouvelles surprises à chaque fois.

Des scènes sont cachées partout, on apprend que l’une d’entre elles n’est accessible que par un téléphérique qui ne fonctionne qu’à certains moments de la journée et on essaye de trouver l ‘info pour accéder à un dj set de Nicola Cruz (à notre connaissance le seul français de cette édition) mais sans parler la langue, impossible d’avoir les bonnes infos à temps. Un petit regret bien vite compensé par tout le reste.

Entre beaucoup d’autres choses, nous sommes tombés sur un lieu d’initiation à la cérémonie du saké, un grand chapiteau de cirque avec des spectacles gratuits, plusieurs cabanes cachées dans les bois avec de petits concerts devant quelques dizaines de personnes, un bar à bières artisanales géant (le jackpot !) où j’ai goûté une IPA au piment délicieuse, des magasins de vêtements artisanaux trop chers pour moi mais très beaux, des mini parcs d’attraction pour enfants qui donnent l’impression d’être dans un film d’animation, une sculpture géante tellement insolite que vous ne me croiriez probablement pas si je vous disait de quoi il s’agit… 

A l’instar du mythique Sziget festival en Hongrie, on peut affirmer que vous pourriez passer toutes la durée de l’évènement sans voir un seul concert et que vous passeriez quand même un weekend incroyable. Tout est pensé pour créer un univers magique jusque dans les moindres détails et on est très loin de la machine à vendre des billets que sont certains festivals modernes (on ne donnera pas de noms) où le billet vous donne simplement accès à des scènes et des stands de boissons.

On pourrait vous parler de tellement de choses qui se sont passées sur ces trois jours, comme les festivaliers dormant au camping qui ont été accueillis dans les couloirs et hall de l’hôtel après le typhon dans une ambiance de film de guerre (mais en plus festif), les nombreux bars éphémères autour de l’hôtel où se tiennent des spectacles de stand up et des petits concerts jusqu’à tard dans la nuit pour ceux qui ne veulent pas dormir, les soirées ska, cumbia et autres musiques sud-américaines où l’ambiance est indescriptible, les échoppes ouvertes la nuit où l’on vous sert un plat où une boisson unique qui ne ressemble à rien de ce que vous avez goûté auparavant, les échanges rares mais passionnants avec les festivaliers japonais… Le seul conseil que l’on peut vous donner est évidement d’aller y vivre votre propre aventure ! Et si vous êtes passionnés de bonne musique et d’expériences nouvelles, alors vous serez, comme nous, marqué à vie par le Fuji Rock.

Ah, et venez nous raconter ça sur les réseaux ! Très peu de Français s’y rendent chaque année et on est curieux de lire vos expériences.

 

Le festival FUJI ROCK en chiffres

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kilomètres de Paris

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festivaliers sur 3 jours

0

scènes dans tous les styles de musiques

Les Photos

Texte et photos : 19lapins