Glastonbury 2014

 Glastonbury 2014
Cette année, Dancing Feet s’est aventuré de l’autre côté de la Manche pour tester un festival anglais. Et parce qu’on ne fait pas les choses à moitié, on a opté pour celui considéré par certains comme « le plus grand festival du monde » – rien que ça : Glastonbury. Au programme : bière, boue et rock n’roll.
 
Jeudi 26 juin
 
Le look « bottes de pluie aux pieds » ne sied guère à la gare du Nord et ses 25 degrés ambiants. Mais à mesure que l’on s’approche de l’Angleterre, il devient de plus en plus approprié. Un Eurostar, un train anglais et une navette plus tard, et le site se dessine enfin. Première impression : c’est vraiment très grand. Renseignement pris, Glastonbury avoisine les 400 hectares, soit les 3 premiers arrondissements de Paris réunis.
Premier défi : trouver une place pour la tente. La quasi-totalité des 180 000 festivaliers campent, et pour les accueillir, une vingtaine de terrains de camping sont à disposition. Il y a celui réservé aux caravanes et camping-cars, celui pour les tipis, celui pour les familles, et ceux pour les tentes, disséminés un peu partout sur le site. Il nous faudra presque une heure pour trouver un coin d’herbe où planter les sardines. Le temps de monter la tente, de faire un rapide tour du site, et il est déjà temps de passer notre première nuit dans les champs de Worthy Farm.
 
Vendredi 27 juin
Le vendredi commence avec une tête d’affiche : Blondie. Ouvrir un festival n’est jamais aisé, mais on imagine les New-Yorkais suffisamment expérimentés pour ne pas se laisser gagner par le stress de cette pole position. Et pourtant… Deborah Harry peine à emmener son groupe et la foule. Sa voix n’est pas juste, et la chanteuse se sent obligée de parler entre les chansons, mais ne sait pas quoi dire. Heureusement les nombreux tubes amassés en 40 ans d’existence – Call Me, One Way Or Another… – raccrochent les spectateurs, autrement plus intéressés à converser autour de la première bière de la journée.
Ce faux départ est très vite oublié grâce à Rodrigo y Gabriela. Partout où il passe, le duo mexicain fait l’unanimité et l’Angleterre ne déroge pas à la règle. Des airs latinos à Glastonbury, ça le fait grave. Dès les premiers accords, le public est conquis et ne peut se retenir de danser. Le duo dépasse le temps imparti et finit son set par une reprise de Creep de Radiohead, repris en chœur par le public – ici, pas de yaourt qui tienne, tout le monde connaît la chanson – et qui finit de mettre tout le monde d’accord sur la qualité de leur prestation. Le festival est lancé.
Place ensuite à De La Soul, considéré comme l’un des précurseurs du jazz rap. Pourtant, sur la scène anglaise, la richesse attendue de ce mélange des genres est quasi absente. A la place, De La Soul délivre une performance à la limite de la caricature. Chaque chanson est ponctuée d’interventions à rallonge du chanteur qui entre deux « fuck/fucking » intime les spectateurs à lever les mains en l’air « sinon vous êtes de la merde », le tout en beuglant dans son micro. A l’heure de la sieste, le tout devient très vite pénible. Il est temps de changer de scène.
 
Sur la deuxième scène – sobrement appelée ‘The Other Stage’, c’est Haim qui se produit. Les trois sœurs, quasi-inconnues il y a un an, se retrouvent cet été à l’affiche des plus grands festivals européens et américains. Mais aussi entraînantes que peuvent être leurs compositions, l’attitude scénique des frangines – tout en grande gueule et cheveux longs (on pense à la beauté capillaire des frères Hanson à leur époque) – devient très vite horripilante. On s’éloigne assez vite.
Pour tomber par hasard sur l’excellente performance de Dreadzone. Leurs chansons, mélange d’électro, de reggae et de rock font mouche. Rajoutez à cela un chanteur dont l’énergie rappelle celle de Mat de Skip The Use, et vous avez une très belle découverte. Au vue de la qualité de leur prestation, on se demande pourquoi les Anglais qui cumulent tout de même 20 ans de carrière sont cantonnés à une scène secondaire.
Un orage de grêle plus tard, Foster The People s’installe pour un set bien trop propre. Il manque aux Américains le supplément d’âme que l’on attend pour un concert, et encore plus pour un festival. Le groupe enchaîne ses chansons comme les plages d’un CD. Pendant ce temps, sur la scène principale, Lilly Allen offrait aux festivaliers une prestation dynamique et enjouée.
 
 
Glastonbury est tellement grand que le temps de rejoindre la John Peel’s Stage, le set de Chvrches est presque déjà terminé. Juste le temps pour nous de se faire confirmer l’énorme potentiel live de ce groupe, qui réussit à envoûter son public avec ses nappes de synthé.
Lykke Li fait son entrée en début de soirée. La France s’est arrêtée à I Follow Rivers, à tort. Car sur scène, la jeune suédoise dévoile une œuvre beaucoup plus complexe que ce que son tube laissait supposer. A base d’instruments acoustiques et de claviers, ses compositions sont riches. Magnétique, la chanteuse prend plaisir à faire participer son public et l’invite à fumer de la ganja (« si vous en avez, c’est maintenant qu’il faut l’utiliser »). Très plaisant.
Pendant qu’Arcade Fire squatte la scène principale, on décide de passer la fin de soirée avec les explosifs Kaiser Chiefs. On se demande ce que Ricky, le chanteur, nous réserve, lui qui en 2011 à Paris, n’avait pas hésité à escalader le balcon de l’Olympia pendant I Predict A Riot. Ce soir, il se contentera de grimper sur les enceintes, de se barbouiller la tête de boue et de courir dans tous les sens. Son dynamisme et la succession de tubes font le plaisir des spectateurs, qui n’auront de répit que quand le set sera terminé.
 
 
 Samedi 28 juin
Glastonbury est grand donc. On peut passer le festival sans voir aucun concert tant les choses aux alentours sont nombreuses et variées. Au quartier des artisans par exemple, vous pouvez apprendre à fabriquer une pagaie ou à suivre des cours de survie. A moins que vous ne préfériez tout simplement squatter un des nombreux hamacs mis à disposition. Le camp Greenpeace propose des conférences sur les thèmes chers à l’association, et avec beaucoup de patience, vous pourrez profiter des douches chauffées grâce à des panneaux solaires. A côté, le secteur Avalon est dédié aux spectacles de rue. Partout, des magiciens, des transformistes ou des comédiens haranguent la foule. Les balançoires sont prises d’assaut. Un cirque et un cinéma y ont été installés. Plus loin, vous pouvez vous reposez au Peace Garden ou au mini Stonehenge – ambiance baba cool assurée.
Retour à la musique avec pour ce samedi, l’entrée en scène de Lana Del Rey, venue tester son nouvel album Ultraviolence. On savait le répertoire de la jeune femme peu propice aux pogos, et sa prestation n’arrange pas les choses. Au lieu de faire vivre son set et de faire participer le public, l’Américaine, statique, interprète ses chansons les yeux fermés, ne sortant de sa bulle que pour remercier du bout des lèvres les organisateurs de l’avoir invitée. Tout juste se souviendra-t-elle qu’elle a un public et lui tendra le micro à la fin du set pour Blue Jeans.
Heureusement, celui qui lui succède sur la célèbre Pyramidal Stage connaît son travail. Entre tubes de Led Zeppelin et compositions solos, Robert Plant délivre un set intense. Le sexagénaire n’a plus rien à prouver, et cette liberté lui permet d’exprimer toute sa créativité. Très à l’aise, il n’hésite pas à revisiter Whole Lotta Love, Rock and Roll ou Black Dog pour leur donner une seconde jeunesse. Sur scène, le plaisir est évident et communicatif. Étrangement, c’est ce papy du rock qui offrira l’une des prestations les plus rafraîchissantes.
 
On s’attendait aussi à du très lourd avec Jack White, qui est complètement passé à côté de son Glastonbury. Visiblement sous l’emprise d’une substance psychotrope, Jack White est ailleurs, et la bouteille de champagne qui l’accompagne sur scène n’arrange pas les choses. Comme pour Lana Del Rey, les nombreuses phrases de remerciement cachent mal un manque total d’interaction avec le public. Présentes pendant tout le set, ses digressions à la guitare sont tellement éloignées des compositions originales que le public décroche. Même le cultissime Seven Nation Armyen fait les frais. L’artiste termine sa prestation en s’écroulant sur son batteur, qui ne sait s’il doit rire ou s’en aller très vite.
Petit break pluvieux le temps de découvrir sur une des nombreuses scènes secondaires les dynamiques membres du Melbourne Ska Orchestra qui, avec leurs cuivres et leur bonne humeur, arrivent à faire danser les festivaliers sous leur cape de pluie.
Pour clore ce samedi, on laisse la grande scène à Metallica dont la venue a créé la polémique : au festival flower power, sponsorisé par Greenpeace, la venue d’un chasseur d’ours revendiqué ne plait pas à tout le monde. Plus loin, c’est à MGMT de monter sur scène. Entre deux tubes largement repris par le public – Kids, Time To Pretend, Electric Feel – l’ambiance retombe rapidement. La faute à une setlist trop déséquilibrée qui fait la part belle aux titres lents. Dommage. On finit cette journée sur notre faim, et la boue colle aux vêtements et au moral.
 
Dimanche 29 juin
On ne vient pas à Glastonbury pour la programmation : elle est annoncée bien après la mise en vente des places, et les têtes d’affiche se retrouvent dans plusieurs autres festivals. On vient pour l’ambiance. Qui se résume en un mot : convivialité. En témoigne l’hétérogénéité du public. Les moins de 10 ans sont très nombreux. Des bambins, casque antibruit sur les oreilles, qui accompagnent papa maman pour ces quatre jours de festival. Un quartier leur est dédié et un terrain de camping est réservé aux familles. Il n’est pas rare non plus de croiser des couples de retraités, nostalgiques des années hippies. Car partout règne la même ambiance bon enfant. Les filles ont des couronnes de fleurs dans les cheveux. Les mecs sont déguisés. Tout le monde carbure à la bière et au cidre, à la marijuana et au gaz hilarant, sans qu’à aucun moment cela ne dégénère. Franchement agréable.
Back to music. Le soleil est revenu en Angleterre et le Booka Brass Band nous fait transpirer. Sur scène, la dizaine de musiciens, leurs trompettes, saxophones et trombones revisitent des tubes pop rock pour un set très festif.
Après avoir assuré l’année dernière la première partie de plusieurs grands groupes, les jeunes Anglais de The 1975 ont droit à Glastonbury à la scène principale. Professionnels, les quatre garçons déroulent leur setlist proprement, leurs titres électro pop rock faisant dodeliner les têtes. Plaisant à l’heure de la sieste ensoleillée sur la boue séchée.
 
A 16 heures, les spectateurs affluent en masse vers la Pyramidal Stage. Curieusement, l’événement de ce dimanche après-midi – voire du festival, est une femme de 68 ans, peroxydée et chanteuse de country : Dolly Parton. Selon les organisateurs, elle battra même des records d’affluence. Piqués par la curiosité, on s’installe, au milieu des fans déguisés en cowboy. Mais la country reste la country, et après trois chansons, imperméables au charme de la septuagénaire, on quitte la scène principale pour aller divaguer du côté de l’Avalon Stage.
Là, les Mariachis ont sorti guitares et sombreros pour reprendre à la sauce mexicaine des classiques de la pop rock britannique. Les Rolling Stones, Oasis et U2 y passent, repris en chœur par les festivaliers.
Au troisième jour de festival, notre plaisir coupable s’appelle Stromae. Le Belge a traversé la Manche, et on est curieux de voir comment il s’en sort devant un public vierge de tout Papaoutai. Mais on se rend vite compte que tous les francophones présents à Glastonbury ont eu la même idée que nous. Tant pis pour le dépaysement. Sur scène, Stromae délivre une performance digne de sa réputation d’entertainer, s’adressant au public dans la langue de Shakespeare – quelques anglophones sont quand même présents.
 
 
C’est avec les Black Keys que commence cette dernière soirée. Ici, ils jouissent d’une popularité encore plus grande qu’en France et cela s’en ressent. Pendant que sur scène les riffs s’enchaînent, le public prouve qu’il connaît tous les titres du groupe par cœur en scandant les paroles. Lonely Boy, Tighten Up ou Everlasting Light déchaînent les festivaliers sans que Dan, le chanteur, ait besoin de les encourager.
Pour clôturer ce festival, ceux qui veulent encore brûler des calories restent sur la scène principale pour Kasabian, qui encore une fois délivrera une performance enflammée. Ceux d’humeur plus rêveuse se rendent à la Other Stage pour Massive Attack. Difficile, même si l’on ne connaît pas parfaitement leur répertoire, de rester insensible à leur prestation. Le public n’est pas là pour scander les paroles, mais pour se laisser emporter par la musique. Leurs compositions sont envoûtantes. Il y a de la magie dans l’air. On plane, et quand Teardrop résonne en fin de set, on regarde le ciel étoilé et on se dit qu’il n’y a pas meilleure façon de terminer ce Glastonbury.
Rédactrice: Audrey Bourdier // Photographes: Audrey Bourdier et Sarah Dutein
 

1 Comment

  • Je vois que l’on a quasiment fait la même programmation, surtout le vendredi soir où comme vous, j’ai délaissé Arcade Fire, que j’ai trouvé fade à Primavera pour Lykke Li et Kaisier Chief (qui m’ont transportée). Dommage de ne pas avoir votre opinion sur le set de Kasabian qui fût, pour moi, le meilleur live vu dans un festival. C’était absolument grandiose et la fusion entre le groupe et le public était plus que totale. Cependant, ce qui me turlupine dans votre chronique, c’est que vous ne mentionnez à aucun instant Arcadia ou Shangri La. Après il y a tellement de choses à faire et à voir qu’on ne peut pas être partout mais c’est toujours intéressant de lire l’avis des autres. Bref, votre chronique est très intéressante, elle aurait pu faire 4 pages je l’aurai lu en entier. J’espère que vous vous êtes régalés au moins autant que moi à Glastonbury. Peut être nous y croiserons nous l’an prochain ;)

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