Gutterdämmerung à l’Elysée Montmartre : Tout ça pour ça ?

 Gutterdämmerung à l’Elysée Montmartre : Tout ça pour ça ?

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Ce vendredi 10 février, j’avais rendez-vous à l’Elysée Montmartre pour ce qui s’annonçait comme l’un des événements les plus bruyants, les plus jouissifs et surtout les plus rock de l’année : la projection live du film GUTTERDÄMMERUNG sur écran géant, avec la bande-son interprétée en live. Toute une expérience.

Cette oeuvre au titre imprononçable est la dernière création de Björn Tagemose, photographe/directeur artistique/artiste visuel/réalisateur belgo-suédois connu (entre autres) pour son travail avec de nombreuses rock-star. Mais je ne vais pas vous mentir : je n’avais jamais entendu parler de Tagemose, et ce qui me donnait une furieuse envie de voir ce film était tout simplement son casting MONSTRUEUX à faire revenir d’entre les morts n’importe quel amateur de rock alternatif. Jugez plutôt : Grace Jones, Iggy Pop, Henry Rollins, Jesse Hughes (Eagles Of Death Metal), Mark Lanegan, Tom Araya (Slayer) Volbeat, Josh Homme (Queens of the Stone Age), Justice, Slash (Guns N’ Roses) et le regretté Lemmy Kilmister.

Avec autant de mes idoles réunies dans le même projet, on pouvait clairement me considérer comme « conquis d’avance », et malgré le prix d’entrée douloureux (pas loin de 50€, soit l’équivalent d’une journée dans un grand festival), les spectateurs semblaient émerveillés  avant même d’entrer dans la salle. Il faut dire qu’elle vendait du rêve, cette bande annonce.

Le public ressemble à s’y méprendre à celui d’un festival de métal. D’ailleurs, le film était projeté au mois de juin dernier au Hellfest, et à regarder les t-shirts autour de moi, beaucoup sont venu pour un deuxième round, ce qui est plutôt bon signe. Je me place à quelques mètres de l’écran, les lumières s’éteignent et le public crie déjà comme si une superstar allait débarquer. Me voilà dans les conditions parfaites pour prendre une grosse claque !

LE FILM

Le début de l’histoire met en scène le personnage joué par Jesse Hughes poursuivant une femme dans le désert. Les images sont très belles, le noir et blanc très soigné. La voiture vintage, les vêtements vintages, les flingues vintages… Pour le style, rien à redire. Mais assez vite, quelque chose cloche : une impression de lenteur s’installe. La première chose qu’on attendrait d’une ode au rock’n’roll serait pourtant un rythme prenant ! En réalité, la durée des plans n’est pas au service de l’histoire, mais de la mise en valeur des invités de marque du casting… et pour cause : presque tous ne seront présents à l’image que quelques minutes, pour ne pas dire secondes. Si le personnage de Henry Rollins a son importance (et est très bien interprété, même s’il ne fait que répéter la même chose pendant tout le film), beaucoup sont plus qu’anecdotiques. Le pauvre Lemmy est à l’écran aussi longtemps que dans la bande annonce, Josh Homme a dû passer 2 minutes devant les caméras (mais le ralenti fait durer son apparition autant que possible), et je ne parle même pas du guitariste de Slayer qui n’est là que pour la blague (il pleut du sang sur lui et on joue le riff de Raining Blood pour bien faire comprendre la référence, quelle inventivité !). Je n’ai même pas reconnu les membres de Justice qui sont « visuellement présents » mais ne jouent pas (pour ne rien spoiler) et l’apparition de Slash est presque une insulte quand on sait que son nom est sur l’affiche du film.

Il y a quelques passages bien trouvés, comme la représentation visuelle de Dieu ou l’arrivée de Josh et son bazooka sorti de nul part. Mais le reste du temps, j’ai l’impression de regarder Tenacious D And The Pick Of Destiny en noir et blanc et qui se prend complètement au sérieux. Et puis je réalise que ça n’est pas un film, mais une suite d’images destinées à mettre en valeur un concert de rock qui à lieu en même temps. A moins que ça ne soit le contraire ?

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LA MUSIQUE

Lors des premières projections (par exemple à Londres), la bande-son était jouée en live par certaines stars présentes dans le film, et je suis certain que c’était un chouette moment pour ceux qui y ont assisté. Pour la tournée, c’est un groupe de musiciens parfaitement inconnus qui a la très lourde tâche de faire le show… et si je n’ai rien à dire sur leurs performances musicales, le fait de payer une telle somme pour voir des stars sur un écran et de parfaits inconnus « en vrai » m’a semblé un peu tordu. Pire, on tombe très vite dans un effet « grand spectacle » qui caricature un genre musical sans jamais tenter d’en trouver la réelle essence. Tout est millimétré et surjoué, et les personnes présentes sur la scène font plus penser à des acteurs d’une troupe de spectacle qu’à des musiciens passionnés… et plus déroutant encore : tous les morceaux  qui sont joués sont des reprises ! Et toujours de tubes connus de tous… Led Zeppelin, Metallica, Nirvana… J’ai l’impression d’être à un « Show Rock » à Disneyland dont il y aurait deux représentations tous les soirs pour toute la famille.

Parfois, le film s’arrête complètement pour que les titres soient joués jusqu’au bout, ce qui nous ferait décrocher de l’histoire s’il y en avait une, mais nous donne surtout l’impression d’assister à la fête de la musique la plus chère de tous les temps. A la fin, les musiciens reviendront jouer quelques reprises avant de lancer le générique, et on aura le droit à un deuxième Ace Of Spades, pourtant déjà présent au début du film, pour un hommage inévitable à monsieur Kilmister. Je n’ai rien contre les reprises de manière générale, mais je suis convaincu que l’ensemble de ce spectacle aurait gagné au change si des titres originaux avaient été créés pour servir une histoire et créer une ambiance unique qu’on n’a pas déjà entendue à la radio un million de fois.

Je m’attendais à un bon film et à un bon concert, je n’ai eu ni l’un ni l’autre. Ce qui s’annonçait comme le Avengers du rock n’était qu’une version longue d’une chouette bande annonce sans réel propos, et jouer des reprises de War Pigs ou Rammstein pendant un film de façon complètement aléatoire n’apporte hélas absolument rien au concept. Dommage !

Rédacteur : Jacques de Rougé