Printemps de Bourges // mardi 28 avril
Deuxième jour de notre escapade au Printemps de Bourges. Aujourd’hui, nous rencontrons les futurs vainqueurs des Inouïs et enchaînons les virages à 180° à chaque scène. Avec plus ou moins de talent, d’originalité et de confiance, tous les artistes ont tenté de faire la différence auprès des curieux et des professionnels.
Sur la scène du 22, les concerts monopolisent toujours le début d’après-midi et ne se ressemblent pas. Pourtant, pas facile de se démarquer. Aloha Orchestra a beau envoyer une pop rafraîchissante, agréable et aux synthés colorés, un air de déjà-vu nous rattrape. Les multiples claviers sur scène offrent un infini champ des possibles, mais la voix manque d’originalité. On ne s’empêche pas d’entendre Metronomy par-ici, Alt-J par-là… Des comparaisons sûrement agaçantes mais inévitables pour ces jeunes groupes, à moins de forger sa propre crédibilité.
Aloha Orchestra
C’est le cas de Last Train, futurs vainqueurs des Inouïs du Printemps de Bourges. Et sans réelle surprise. Pourtant, ce quatuor guitare-basse-batterie est tout ce qu’il y a de plus classique. Mis à part la voix anormalement rauque de ce chanteur juvénile à la gueule d’ange, qui porte un rock bien lourd et gras, à l’ancienne. Un son distordu, un mur de guitare et un groove imparable. Seul bémol, l’insupportable guitariste qui joue le bad boy sur scène, prétextant un problème technique pour balancer odieusement sa guitare et ses pédales aux pieds des techniciens. Pire cliché : la clope allumée sur scène (interdit = so cool), puis bloquée entre les cordes. On lève les yeux au ciel puis on se retourne vers le chanteur, décidément très charismatique à travers sa transe schizophrénique. Comme quoi, on peut encore encore faire la différence sans surchager sa scène de claviers.
Last Train
Puts Marie sont les derniers Inouïs de la journée. Au style indéfinissable, mais tout sauf français, le leader Max Usata (sosie de Zachary Quinto) emmène le public dans un univers situé entre « les bains publics de Budapest et les terrasses de New York ». Au marcel trop grand mais bien rentré dans le pantalon, le chanteur hypnotise le public, tant pis pour ses musiciens. On se laisse porter par une soul romantique et fragile, à l’instar de leur titre Pornstar.
Puts Marie
Quelques heures plus tard, S.R. Krebs se livre au difficile exercice d’ouvrir la scène Pression Live. Une chanteuse blonde aux cheveux courts, larges hanches et une robe à paillettes dorées entre en scène. À ses côtés, un homme-orchestre se charge d’habiller le reste. La pop atmosphérique de S.R. Krebs est agréable, mais un peu sage. Le public n’est pas très réceptif ; un problème technique se transforme en cinq minutes de silence gênant, sauvé par un chant a capella. Pourquoi S.R. Krebs est étiquetté « Talent du Live » ? On ne le saura jamais, car leur style se prête plutôt à l’écoute studio reposée.
S R Krebs
Un peu surpris, nous découvrons un auditorium de 600 places bondé pour le concert de Minuit. Mené par Simone Ringer — fille de Catherine —le groupe livre des compositions étonnamment riches et complexes. Les musiciens, jeunes et en uniforme, s’exécutent à la manière d’un groupe professionnel. Riffs, breaks, solo et lignes de basses n’ont aucun défaut mélodique. Curieusement, cette maîtrise semble entraver la spontanéité du groupe, qui semble (sûrement à tort) presque blasé de réciter ses titres. De plus, gros bémol sur le lightshow et l’incompréhensible absence de lumières de façade. Nous ne verrons jamais les bouilles des musiciens, à peine celui de la chanteuse.
Minuit
Retour au minimalisme avec Lenparrot sur la scène du Printemps des Régions. Une voix, un clavier et quelques beats épurés. Le chanteur déroule sa voix aigüe sur des nappes électroniques, dans une douceur infinie… peut-être un poil soporifique pour le public en plein air. Difficile d’interpréter un univers nocturne en plein jour. Pour la millième fois, on entend un « Rapprochez-vous s’il vous plaît ». Le contexte compte beaucoup dans l’appréciation d’un concert, Lenparrot aurait mérité de jouer en soirée, ou en intérieur.
Lenparrot
Encore une fois, on est troublé par le changement radical d’ambiance. Too Many Zooz, dernière tendance new-yorkaise (il paraît) est un trio tribal au look totalement fou. On retient le saxophoniste : lunettes de hipster, chaînes dorées de rappeur, pantalon en cuir et mèche teinte en rouge, au gel fixation béton. Musicalement, on s’amuse dix minutes de leur « brasshouse », mélange entre le jazz, le funk et l’électro. Aussi fou soit leur style, on en a tout de même vite fait le tour… mais chapeau pour l’originalité.
Too Many Zooz
Il s’agit presque de notre premier live d’un groupe déjà installé. Sur la scène du 22, Rival Sons clôture la soirée avec son rock qui tâche. La bande dandy, aux moustaches et barbes de compétition, entre en scène sur une musique de western. En quelques secondes, les guitares se déchaînent et la tension monte d’un cran face à un public déjà conquis (assez rare dans cette salle). Le chanteur se livre totalement au show, s’écrasant au sol, la mèche dégoulinant sur son visage. Les musiciens semblent s’éclater tout en récitant leurs parties apprises sur le bout des doigts. On palpe l’écart qui sépare ces groupes expérimentés des autres jeunes du festival. On a alors hâte d’en revoir certains dans plusieurs années.
Rival SonsRédacteur: Ulysse Thevenon // Photographe: Elise Schipman