Printemps de Bourges // mercredi 29 avril
Pour notre dernier jour de festival, nous avons succombé à l’appel du mainstream en rejoignant la grande scène du W au soir. Dernière session découverte tout de même avec les Inouïs en début d’après-midi, terminée en beauté par le lauréat du Prix du Jury.
Si on pouvait craindre une contagion du spoken word (qui a toujours existé, certes) avec le succès de FAUVE≠, on se rend compte qu’il prend des formes toujours différentes selon les artistes. Au mieux, GONTARD! aurait suivi la mode des majuscules ponctuées et de l’anonymat. Caché derrière un masque de lapin assez glauque, sa prose torturée résonne moins adolescente que celle de FAUVE≠. Plus abstraits, plus lancinants, ses titres hypnotisent la foule silencieuse et attentive. L’audimat se force à comprendre, c’est l’avantage du style. GONTARD! joue ses samples sur vinyle, mais est encore plus hipster que ça : « Le retour à la mode du vinyle, ça m’a soulé. Je voulais jouer mes samples sur K7, mais c’est trop galère ». On doute d’un succès aussi grand que le collectif fauvesque, mais on ne l’accusera pas d’opportunisme.
Gontard!
Derniers Inouïs du festival, et futurs lauréats du Prix du Jury, Radio Elvis entre fièrement en scène. Le public est enthousiaste, chose rare chez les Inouïs. Le groupe n’a pas volé son succès grandissant. À travers ses récits de voyages imaginaires et introspectifs, jamais naïfs ni faciles, le groupe déploie un rock littéraire splendide. Les instruments ne s’additionnent pas, mais se complètent. On remarque les mélodies composées à deux guitares (c’est rare) et la performance du batteur-bassiste (si,si). Le groupe est jeune mais le set semble déjà rodé. En cadeau, le groupe offre un titre « rare », « Bleu Nuit/Synestésie », qui lui sera bien rendu par l’acclamation du public, et bien sûr le Prix du Jury.
Radio Elvis
Dernière soirée avec des groupes qui ne sont plus à découvrir, ou presque. Isaac Delusion est encore entre les deux. Les rideaux dévoilent le quatuor, installé en ligne devant de grandes projections vidéos. Premier titre, leur succès « She Pretends », d’une immense poésie mais qui peine à chauffer le public. Au moment où le concert commence à sembler long, les musiciens se mettent à s’échanger les instruments, se défouler sur des percussions et envoyer les titres plus dansants comme Pandora’s Box. Les fans sont peu nombreux dans la salle, les dizaines de premiers rangs attendent surtout la suite.
Isaac Delusion
Une imposante installation prend place sur scène. On attaque la série des grosses productions avec Izia, connue pour mettre le feu en concert. Manque de bol, la fille de Jacques Higelin a sévèrement changé de style dans son dernier album « La vague ». Troquant le girl-rock de sale gosse pour une pop féminine insignifiante, la chanteuse tente tout de même d’insuffler du punch à ses derniers titres à coup de headbangs totalement décalés. Heureusement, les anciens titres complètent la setlist et se montrent bien plus efficaces. Tutoyant le public et l’appelant par un « mes petits chats » légèrement irritant, Izia finit tout de même par transpirer et faire bouger la foule en fin de concert. Elle rend hommage au festival et raconte une anecdote imparable : « Je me souviens de mon passage au Printemps de Bourges, sur la scène du 22 (scène découverte). C’est après ça que j’ai décidé d’arrêter l’école et de faire ça de ma vie. »
Izia
The Dø remporte sans conteste la palme de la meilleure mise en scène du festival (enfin, de ce qu’on a en vu). Entourée de quatre musiciens positionnés en arc de cercle, la chanteuse apparaît éclairée de dos et vêtue d’une robe blanche à capuche. Elle interprète un magnifique « A Mess Like This », puis se dévoile sous sa combinaison rouge pour une prestation plus musclée. Un plafond de fils argentés magnifie la scène, perforée de lasers. La chanteuse danse, exécute des poses de combat, aimante l’attention par son incroyable charisme tandis que ses coéquipiers s’affairent autour des claviers et percussions. Le son électronique du dernier album « Shake Shook Shaken » est à l’honneur, et même sur les anciens titres où les guitares sont délaissées. Le public est alors chauffé à bloc pour accueillir le phénomène de la soirée.
The Do
Clairement la plus attendue, Christine & The Queens débarque en terrain conquis. Ultra à l’aise, Christine avance vers le public selon ses chorégraphies, entourée de ses talentueux danseurs. La scène est un vaste terrain de jeu pour la chanteuse, visiblement rodée au millimètre près mais totalement excitée. « Ce soir, tu peux être qui tu veux », lance-t-elle au public. La voix prétendument fragile car parfaitement maîtrisée, elle interprète une reprise de William Sheller (« Photos Souvenirs ») après son tube « Christine » et avant une autre reprise de Michael Jackson (« Who Is It ») en duo avec Olivia Merilahti, la chanteuse de The Dø. Les chorégraphies s’enchaînent, jamais ennuyeuses et soutenues par des vidéos projetées et un lightshow réussi. Le public, sans surprise, est sous le charme. Elle aussi se souvient de ses débuts sur la scène découverte du festival, en 2012. Rendez-vous dans quelques années pour retrouver nos Inouïs sur la grande scène.
Christine and The QueensRédacteur: Ulysse Thevenon // Photographe: Elise Schipman