Rencontre // The Staves

 Rencontre // The Staves

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Nous avons rencontré Camilla, Jessica et Emily Staveley-Taylor sur l’île du lac inférieur du bois de Boulogne, il y a quelques semaines, alors qu’elles s’apprêtaient à donner un concert intimiste avec Damien Rice. Les trois sœurs anglaises nous ont raconté l’évolution de leur complicité fraternelle en véritable groupe. Nous avons aussi évoqué avec elles l’épopée de l’enregistrement de leur album If I Was, qui sortira en février prochain, dans le studio au Wisconsin de Justin Vernon, frontman de Bon Iver, à son invitation.

Quand avez-vous commencé à faire de la musique ensemble ? J’imagine assez tôt, vu que vous êtes sœurs…

Camilla: Oui, nous avons toujours chanté ensemble puisque nous avons grandi sous le même toit. Maman et Papa ont vraiment bon goût en musique donc il y avait toujours un morceau qui passait chez nous.C’est quelque chose qu’on n’a jamais planifié, mais on finissait par chanter tout le temps, pendant les longs trajets en voiture ou en faisant la vaisselle, un peu nonchalamment. Jusqu’au jour où quelqu’un nous a suggéré qu’on devrait participer à un open mic dans les pubs locaux, ce qu’on a fait. Comme ça nous a beaucoup plu, ensuite on a fait un concert et graduellement, on est devenues notre propre groupe. C’était une progression très naturelle.

Et quelles étaient les musiques qu’écoutaient vos parents?

Jessica: Les Beatles! Beaucoup de Beatles! Quand on écoutait Revolver, ils essayaient de trouver quel était le Beatles qui chantait sur tel ou tel morceau. Ils arrêtaient même de chanter pour pouvoir mieux se concentrer. Ils écoutaient aussi beaucoup de musique des 60’s, un peu Motown, de la pop et des musiciens 70’s américains, James Taylor et Bob Dylan.

Emily: Oui, beaucoup de guitare-voix.

Jessica: The Eagles, et la côte ouest des Etats-Unis…

 

C’est comment d’être dans le même groupe que ses sœurs?

 

Jessica: Je ne sais pas ce que ça fait de ne pas être dans le même groupe que ses sœurs! J’ai toujours pensé que ça devait être difficile de former un groupe avec des gens qui ne sont pas tes proches. Parce qu’on sait déjà tout ce qu’il y a à savoir sur chacune d’entre nous. On ne va pas décider de travailler ensemble pendant des années puis soudainement se détester. Et puis on sait ce que c’est de partager sa chambre, de passer 10 heures à l’arrière d’une voiture ensemble… Donc, ça va de soi!

Camilla: Non, c’est de la merde, c’est vraiment nul! (rires)

 

Et composez-vous toujours à trois?

 

Jessica: Oui! Mais ça varie. Parfois, Jessica va écrire un morceau et nous l’apporter. Mais parfois on décide qu’on veut écrire un morceau à partir de rien juste toutes les trois.Ca dépend vraiment de comment on se sent et qui se sent la plus créative. Je pense que la meilleure chose dans le fait d’être toutes les trois, c’est que si l’une d’entre nous ne se sent pas très inspirée, normalement, au moins l’une des deux autres le sera. Donc on peut se permettre parfois d’être paresseuse, ce qui est bien.

 

« Notre maman et Justin Vernon (frontman de Bon Iver) s’envoient des textos, c’est trop mignon! »

 

Vous avez rajouté des instruments supplémentaires pour l’enregistrement, du coup vous avez accueilli de nouveaux musiciens. Comment cela s’est-il passé?

 

Jessica: C’était génial, on s’est beaucoup amusés, et évidemment, comme nous sommes un trio, on adore avoir d’autres gens qui jouent avec nous. Ca rend tout plus drôle. Et ça nous donne plus d’espace pour que ça devienne plus grand et plus ambitieux et plus magique, je pense.

Emily: Oui, tout d’un coup les possibilités deviennent infinies: « On pourrait avoir des cordes en plus, on est pas obligées de chanter cette mélodie! »

Jessica: Les musiciens avec lesquels on a joué sur l’album étaient super et ils ont beaucoup étoffé le son. On l’a enregistré dans le Wisconsin aux Etats-Unis. Je sais pas si tu vois où c’est, c’est tout au Nord et il fait très froid! On avait tous nos bagages dans cette maison et on était probablement au moins une dizaine. C’est très amusant quand on est aussi nombreux. Traîner ensemble et faire de la musique. Si on avait été juste toutes les trois je pense qu’on serait devenues folles.

 

Est-ce que l’endroit vous a inspiré pour composer votre album ?

 

Emily: Oui, carrément! Beaucoup de morceaux ont été écrits dans ce studio. On y passait beaucoup de temps.

Camilla: Tu as ce feeling d’être coupé du reste du monde. Tu as l’impression que personne ne sait que tu es là. Personne ne peut te voir. Et il n’y a rien à des kilomètres à la ronde et c’est comme si on était là à travailler secrètement sur cette musique et c’est très excitant quand il fait tellement froid dehors et que toi tu es trop cosy à l’intérieur. Tu as des réserves illimitées de bières dans le frigo et ta seule mission c’est de finir ta bière et ensuite de faire de la musique étrange tard la nuit, c’est super.

 

Comment avez-vous rencontré Justin Vernon (frontman de Bon Iver)?

Emily: On a tourné avec Bon Iver aux Etats-Unis et en Europe, on a ouvert pour eux. C’est comme ça qu’on l’a rencontré lui et son groupe. Et on est devenus très bons amis en tournant et ce sont des mecs hyper gentils, vraiment adorables. Et on est devenus plus complices avec eux et on est monté sur scène avec lui plusieurs fois. Je crois qu’il est devenu fan de nous et on est devenus fans de lui, c’était juste une super relation! Il nous a dit « si vous avez un peu de temps off, venez au studio et on verra bien ce qui arrivera! ». Donc juste avant de partir en tournée, on a trouvé du temps et on s’est dit qu’il fallait en faire quelque chose. C’est comme ça qu’ont commencé les choses, il y a environ un an maintenant.

Comment restez-vous en contact maintenant?

Emily: On s’envoie des mails…

Camilla: Il est venu dans la maison de notre maman à Watford (à côté de Londres, ndlr). Il a bu du thé avec nous! On essaie de rester en contact avec lui très régulièrement depuis.

Jessica: Notre maman lui envoie des textos, lui et ma mère ont des conversations par messages, ce qui est assez mignon!

 

 

« Pendant l’enregistrement, on a juste bu des bières et on s’est laissées aller »

 

Votre album sortira en février prochain. Pouvez-vous me parler un peu de ce premier disque?

Camilla : Avant de le composer, on avait tourné pendant tellement longtemps. Et l’on n’avait rien créé depuis très longtemps. On adore tourner et on s’amuse énormément, mais si tu fais ça trop longtemps, ça peut commencer à te rendre un peu dingue. Et je crois qu’on avait réellement besoin d’écrire quelques morceaux après avoir été sur la route depuis deux ans. Donc je pense que cet album parle de ces choses qui ont été emmagasinées et mises en attente pendant un moment et qu’on a soudainement laissé s’échapper. C’est définitivement un pas en avant depuis notre dernier album. On est allé plus loin instrumentalement, il y a différentes textures et je crois que c’est juste plus grand.

Emily: Oui, au niveau du son, c’est plus étoffé. Le premier album était bien parce qu’on l’a enregistré à un moment où l’on jouait tout le temps en live. Il représente exactement ce qu’on était à ce moment là. Tu aurais pu saisir ça si tu étais venue nous voir à un de nos concerts. C’était très similaire au disque, il n’y avait aucun effet, aucune reverb, sur les voix ou sur quoi que ce soit. On s’asseyait juste dans une salle et on jouait. Et sur celui-ci, on ne voulait pas être contraintes par des règles ou quoi que ce soit. Donc là, honnêtement, on a juste bu beaucoup de bières et on est allées jusqu’au bout. Et on s’est dit : voyons ce qui va arriver. C’était vraiment une période très excitante, marrante et créative.  On s’est senties libérées et supportées par de merveilleux musiciens et cerveaux, ils étaient vraiment enthousiastes et encourageants. On est vraiment très fières de ça, j’ai hâte qu’il sorte et de le montrer à tout le monde.

Pourquoi avez-vous choisi de l’appeler If I Was?

Jessica: Ce sont des paroles tirées du titre d’un morceau qui figure en ce moment sur notre EP Blood I Bled. Il parle du fait d’avancer dans la vie et des choses qui t’ont rendu en colère dans le passé, d’apprendre combien il est bon de laisser ces choses derrière soi et laisser la colère partir. C’est un repère dans notre vie, ce titre représente un moment où l’on s’est présentées et qui nous permet d’expliquer ce qu’on est maintenant.

Est-ce que vous diriez que vous avez acquis une certaine sagesse?

Camilla: J’espère! J’espère qu’on est pas en train de devenir de plus en plus bêtes!! (rires)

Jessica: Je pense que mon cerveau est plein et qu’à partir de maintenant il ne va faire que dégénérer!

Comment avez-vous choisi la photographie sur l’artwork ?

Camilla: C’est une photo que Justin a pris de nous avec son polaroid. On l’a eu instantanément ce qui était vraiment cool. On a pris beaucoup de photos. Du coup on en utilise pas mal en ce moment, pour nos photos de profil Facebook par exemple. Celle-ci faisait vraiment artistique.

Emily: Celle-ci était particulièrement chouette parce que c’était le tout dernier jour. On avait terminé l’enregistrement et on est allées se promener en voiture et c’est au moment où Justin nous a emmenées à l’aéroport. Cette photo marque vraiment la fin d’un processus. On a de la chance, c’est une belle photo!!

Justin Vernon a aussi remixé votre morceau Open.

Jessica: C’est un morceau de notre EP Blood I Bled. On a produit cette chanson nous mêmes. Il a l’habitude de faire pas mal de remixes en transformant totalement les morceaux. On s’est dit que ce serait super cool, on avait jamais eu de remix de nos chansons avant et j’ai beaucoup aimé ce qu’il a fait avec. C’est un peu bizarre et merveilleux, très différent.  Evidemment il est moins bien que l’original, donc il est jaloux!

 

La playlist de The Staves

Paul Thomas Saunders – Lunar Veteran’s Guide To Reentry

SIVU – Better Man Than He

Sylvain Esso – Play It Right

Bombay Bicycle Club – Feel

Bahamas – Lost In The Night

Propos recueillis par Aurélie Tournois // Photographe: Jacques de Rougé

1 Comment

  • Les informations ici présentes sont relativement intéressantes. J’ai beaucoup aimé, cet article est vraiment bien ficelé et agréable à lire. Pas mal du tout.
    Elsa Bastien / streetpress.com

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