Rencontre // The Vaccines // Solidays 2015
A l’issue du concert où ils ont pu présenter les titres de leur nouvel album, English Graffiti, nous avons rencontré Freddie Cowan, guitariste, et Pete Robertson, batteur du groupe anglais The Vaccines. Les deux loustics, très agités et obnubilés par les festivaliers qui faisaient du saut à l’élastique, se sont confiés dans la bonne humeur sur les ambitions de leur troisième album sorti fin mai.
Vous venez de jouer sur la scène Bagatelle des Solidays. Comment est-ce que vous avez trouvé le public, comment est-ce que les gens ont réagi à vos nouvelles chansons?
Freddie : Très bien ! Ils ont encore mieux réagi que ce que j’espérais !
Pete : On nous a conduits jusqu’à la scène, peut-être vingt minutes avant qu’on y joue, et quand on l’a longée il n’y avait personne ! On s’est dit «merde, personne ne sait qu’on est à Paris, tout le monde s’en fout» ! Et puis cinq minutes avant qu’on monte sur scène on a entendu cet énorme rugissement venant du public, c’était incroyable ! Quand on est sortis on a vus qu’il y avait peut-être 20 000 personnes qui nous attendaient !
Pour votre dernier album, English Graffiti, vous avez travaillé avec les producteurs Dave Fridmann (MGMT, Tame Impala) et Cole MGN. Pourquoi avoir fait appel à deux personnes différentes?
Pete : Entre la tournée de notre deuxième album et l’écriture de notre troisième album, Justin a passé quelques temps à Los Angeles et avait rencontré Cole. Et à son retour, je ne l’avais jamais entendu être aussi enthousiaste à propos d’un autre musicien. Il l’admire énormément en tant que personne et en tant que producteur. Il avait d’emblée compris qu’il fallait qu’il travaille avec nous. Et en effet il a été d’une influence très positive sur le groupe. Pour ce qui est de Dave, de savoir qu’il souhaitait travailler avec nous était un rêve devenu réalité ! Il fallait qu’on les allie tous les deux !
Freddie: Dave Fridmann est de toute évidence un génie. C’est l’homme le plus travailleur que j’aie jamais rencontré. Il a encore cette férocité et cette intensité dans le travail que certains de ses collègues n’ont plus. Et Cole est un petit jeune, qui a à peu près notre âge, méga talentueux et qui avait très envie de montrer de quoi il était capable. Alors on s’est dit qu’on allait tenter l’expérience de les faire travailler ensemble et ça a très bien fonctionné. Dave ne connaissait pas forcément toutes nos références alors que Cole si. Cole était un peu comme le cinquième membre du groupe et Dave le chef d’orchestre. Au final on a formé une équipe de rêve ! Je suis sûr qu’on va retravailler avec au moins l’un d’entre eux.
J’ai lu qu’avec English Graffiti vous aviez voulu capturer le «son de 2015», qu’entendiez-vous par là?
Freddie : Quand on a enregistré notre deuxième album, Come Of Age, on n’avait pas vraiment mis l’accent sur la modernité. On a ressenti après coup que les références qui avaient influencé cet album étaient plutôt anciennes et qu’il ne sonnait pas comme son époque. Et quand on a achevé la tournée qui a suivi, la mode était justement à la modernité. Il fallait que tout donne l’impression de n’avoir jamais été fait avant. Début 2004, il y a eu les Strokes qu’on a défini comme des Television modernes, mais ce n’était pas vraiment repensé, alors qu’aujourd’hui tout doit être nouveau, ne pas être référencé. Par exemple, un son de guitare aujourd’hui doit sonner comme une voix. On a senti qu’on ne faisait pas partie de ce nouveau mouvement qui nous plaisait tant. Alors on a voulu faire de notre mieux pour y accéder.
Pete : Il y a encore deux ans, on n’arrêtait pas d’utiliser le mot «intemporel». Dans notre premier album on faisait énormément référence au rock’n’roll des années 50, au garage des années 60, on a essayé de tout y compiler. Mais après deux albums et un EP, on est devenus plus ambitieux et on a voulu s’ouvrir à la musique qu’on écoutait en tournée tous les jours à la radio comme Kanye West, Jay-Z ou Nicki Minaj. En Angleterre, quand tu allumes la BBC Radio 1, la musique que tu y entends est vraiment très intéressante, excitante, abrasive, difficile à écouter parfois, et c’est quelque chose qu’on appréciait beaucoup. Alors je pense que quand on a dit vouloir «sonner comme 2015», il s’agissait de laisser tomber le côté intemporel et embrasser tout ce que la technologie d’aujourd’hui nous apporte. On voulait se donner un défi, donner un défi à Dave et à Cole, expérimenter.
Vous avez dit avoir souhaité aborder le thème de la mondialisation dans English Graffiti…
Freddie : Oui, English Graffiti fait référence au fait qu’on peut voir des graffitis sur tous les murs du monde, qu’on peut acheter du Coca-Cola partout dans le monde… On a voulu parler de la globalisation mais aussi du fait que nous vivons sur une planète où tout le monde est virtuellement connecté mais n’arrive plus à connaître de connexion réelle. On a tous des portables, on est tous joignables tout le temps mais en fin de compte ça nous handicape, on ne sait plus avoir de vraies et profondes interactions avec les gens. Tout le monde est sur des applications de rencontre, sur des chats, mais tout ça ne te nourrit pas l’âme.
Pete : Sur les réseaux sociaux comme Instagram ou autre, on projette une image de soi qui n’est pas réelle, pas honnête. On vit une époque très déroutante de ce point de vue, excitante mais déroutante, et notre album est une observation de cela.
Vous êtes Anglais mais vous avez travaillé avec des producteurs américains et passé beaucoup de temps aux Etats-Unis, c’était important pour vous de provisoirement vous expatrier comme ça?
Freddie : Oui absolument, parce qu’on a vraiment été étiquetés « groupe britannique » et on a voulu aller dans un endroit où ça n’avait aucune valeur, chez des gens qui se disent «Who the fuck is Blur ? Who cares ?». Oui, c’était un choix conscient de nous sortir de notre zone de confort.
Pete : Ça nous a aussi permis de nous délester de la pression du troisième album. Travailler au milieu de nulle part, dans le nord de l’Etat de New York, nous a permis de mettre tout ça de côté. Tout ce qu’on avait pu faire avant n’avait plus aucune importance. On a pu repartir de zéro et ça a été très important pour nous.
La Playlist de The Vaccines
The Units – High Pressure Days
Deerhoof – Big House Waltz
Buddy Holly – Brown Eyed Handsome Man
Billy Cox Nitro Function – Powerhouse
David Bowie – Teenage Wildlife
Propos recueillis par Kirana Chesnel // Photos: Jacques De Rougé