Baloji: hip hop poétique et groovy
« Comment faire l’amour à un Noir sans se fatiguer, Il faut le surmonter, il faut l’immobiliser ». Avec son gimmick troisième degré, son refrain entêtant et son mélange de rythmes africains et de synthé, le single Bipolaire – Les Noirs de Baloji est la plus belle invitation à remuer du popotin de ce début d’année. Cette pépite groovy, on la retrouve sur son album 137 Avenue Kaniama, qui sort ce vendredi 23 mars chez Bella Union / [PIAS].
C’est en Belgique, pays qui l’a vu grandir, que le musicien, ex MC Balo au sein du groupe Starflam, découvre l’art du sampling. Une technique qu’il mêle brillamment à une musique traditionnelle africaine héritée de son enfance au Congo, et d’influences hip-hop, soul, funk et jazz. Féru de cinéma, le jeune homme construit son album comme un long-métrage, autour d’une multitude d’histoires personnellement vécues ou observées de très près. Ainsi, L’Hiver indien évoque la cassure entre les communautés migrantes et le reste de la société, tandis que Glossine parle des piqûres de mouche tsé-tsé sur fond de bossa nova et d’afrobeat, quand Spotlight fait référence à « notre peur de disparaitre, notre besoin de nous convaincre que nous vivons dans quelque chose de réel ».
Baloji fait de son œuvre une thérapie en forme de poésie. Portée par un rap tantôt direct et sombre, tantôt teinté de rythmes festifs, sa plume révèle tout en pudeur et sans faux-semblant ses pensées douloureuses. Ses textes, habiles mélanges de français, swahili et lingala, fourmillent de détails, de rimes et de jeux de mots toujours subtiles, jamais alambiqués.
Ainsi, quand il parle d’amour déçu, sur Ciel d’encre, il déplore : « C’est de la tendresse sans relief, Ou le ton monotone de tes griefs, Les intentions que l’on se prête, Le calme qui renonce à la tempête. […] Plus d’amour propre que d’amour, Pourquoi est-ce que l’on avance à rebours ? ». Enfin, le cœur qui déborde, il raconte dans L’art de la fugue – le vide : « Je t’ai attendu pour être amoureux, Est-ce que ça veut dire qu’avant je me suis leurré, Ou qu’aimer raisonnablement c’est aimer trop peu ? L’amour se mesure à ce que l’on accepte de sacrifier ».
Mais ses mots les plus lourds de sens, il les réserve à celle qui l’a mis au monde. Le titre de son album fait d’ailleurs référence à l’adresse de sa mère au Congo. Sur La dernière pluie – Inconnue à cette adresse, le morceau « le plus honnête de sa vie », il raconte leurs retrouvailles compliquées, après une séparation de 25 ans vécue comme un abandon. « Elle fait des petites boules de neige avec le manioc, Qu’elle colorie vert pondu, rouge ocre, Et moi plus je la regarde, plus je me sens bête, Avec ce disque sur les genoux que je n’ose même pas lui remettre. 2 ans de travail engloutis par la gêne, Comme jeté dans le fossé qui nous sépare des traditions européennes ». Poignant.
Informations pratiques :
137 Avenue Kaniama, de Baloji
Sortie le 23 mars chez Bella Union / [PIAS]
En concert aux Etoiles à Paris le 30 mars.