Jacco Gardner + Michael Rault // La Laiterie // 25 novembre 2015
La toute nouvelle Strasbourgeoise que je suis n’ayant jusqu’alors toujours pas mis les pieds à La Laiterie, en dépit d’une programmation plutôt alléchante depuis la rentrée, se devait de remédier au plus vite à cette négligence ! Et quel meilleur baptême qu’un concert de Jacco Gardner ?
Le jeune Néerlandais tient, en effet, une place particulière dans mon cœur de fan des sixties depuis que j’ai réellement pu découvrir l’étendue de son talent sur la scène de la Maroquinerie en mars 2014. Le musicien prodige n’avait alors qu’un seul album à son actif, le très justement nommé Cabinet of Curiosities, recueil de petites rêveries baroques, tantôt charmantes, tantôt inquiétantes. Depuis six mois, c’est l’envoûtant Hypnophobia, son deuxième opus, qu’il défend sur scène. N’ayant pas pu profiter au mieux de son passage à Rock en Seine l’été dernier, il me tardait de réentendre ses nouveaux morceaux dans un lieu plus propice à une écoute attentive. Cela tombe bien, c’est dans la plus petite salle de la Laiterie, le Club, que se produisent Jacco et ses comparses ce soir.
La soirée commence par une réjouissante découverte. Celle du Canadien Michael Rault et de sa musique, elle aussi éminemment influencée par les années soixante. On reconnaît très vite chez les quatre musiciens d’Edmonton l’esprit des Beatles, l’empreinte du glam rock de T. Rex, mais aussi, la mode étant un éternel recommencement, quelques éléments de Britpop. Le tout est hyper efficace, électrique et enlevé. Le groupe nous gratifie même d’un slow comme on n’en entend plus beaucoup aujourd’hui, Lover’s Lie. Derrière sa moustache, Michael Rault marmonne qu’il n’a malheureusement plus rien à vendre au merch ce soir. C’est bien dommage ! Je me serais volontiers jetée sur une de ses cassettes, parce que oui, vous avez bien lu, chez Burger Records où Rault est signé, on produit toujours ces raretés !
Le Canadien laisse à présent la place à ses camarades Bataves. Jacco, à l’allure toujours plus androgyne depuis qu’il s’est fâché avec son coiffeur, s’installe précautionneusement derrière son clavier. Autour de lui, son groupe a subi quelques modifications depuis 2014. C’est notamment le jeune et néanmoins doué Nic Niggebrugge qui officie désormais à la batterie. Ce dernier, ainsi que le bassiste Jasper Verhulst, joue également au sein du groupe Eerie Wanda. Le magicien Gardner entame son numéro enchanteur par le titre Hypnophobia et déjà, dans la salle, de larges sourires éclairent les visages des happy few qui sont venus l’écouter. S’il est toujours aussi peu bavard sur scène, Jacco a indubitablement gagné en maîtrise et en confiance. Au fur et à mesure des morceaux, nous plongeons toujours plus loin dans un monde imaginaire où l’on ne voit qu’à travers des kaléidoscopes hypnotisants. Les corps tanguent au rythme de la basse d’Another You. Certains croient revivre une époque floydienne qu’ils n’ont pourtant jamais connue. Une douce transe collective se met en marche lorsque retentissent les premières notes de Clear The Air. Mais elle n’atteint véritablement son paroxysme que pendant le rappel que Jacco Gardner se fait une joie, comme toujours, de transformer en longue épopée féérique. Puis la frêle silhouette du jeune homme s’évanouit, aussi discrètement qu’elle est apparue. Nous laissant des étoiles plein les yeux, jusqu’à son prochain passage qui, on l’espère, arrivera bientôt.
Texte: Kirana Chesnel // Photo: Nick Helderman