Kazy Lambist : « J’ai toujours voulu être pilote d’avion »
Après une Gaîté Lyrique complète en avril dernier, Kazy Lambist publie ce vendredi 8 juin son tout premier album. S’il peut sembler énigmatique, son nom, 33 000 ft, ne fait que révéler les fantasmes d’altitude du jeune Montpelliérain. Entretien avec ce génie de l’électro-pop qui rêverait de partir en tournée dans son petit avion.
Avant d’apprendre que tu t’appelais Arthur, je me suis dit que ton prénom devait sûrement être Isaac, et que tu avais dû choisir une sorte de verlan. J’ai donc tout faux. Peux-tu m’expliquer d’où vient ton pseudo ?
Kazy Lambist: Je n’y avais jamais pensé ! Ce n’est pas non plus mon deuxième prénom. J’avais passé un an au Canada, dans le Nord de la Colombie britannique près de l’Alaska et là-bas, il y avait un alcool local qui s’appelait le Kazy Lambist. C’était une très jolie bouteille et je n’avais pas l’âge requis à l’époque pour boire de l’alcool. C’est resté de l’ordre du fantasme.
Comment as-tu commencé ton apprentissage de la musique ?
Kazy Lambist: J’ai fait du piano classique pendant 7 ans, puis je me suis mis à la guitare. J’ai joué dans des groupes de rock au lycée et un groupe de jazz quand j’étais au Canada, un peu plus tard. Là-bas, les jeunes de l’école où j’étais faisaient du hip hop et rappaient ; moi je n’avais pas le niveau en anglais pour rapper, ç’aurait été un peu ridicule… du coup, je faisais la prod, les instrus. Quand je suis rentré à Montpellier, j’ai continué et je suis parti vers un délire plus électro.
Parmi les artistes que tu as toujours écoutés, lesquels t’ont le plus influencé pour créer ta propre musique ?
Kazy Lambist: J’ai du mal à savoir car j’ai grandi avec plein de trucs différents. J’adore Gainsbourg alors que ça ne s’entend pas du tout ! J’ai aussi vraiment beaucoup écouté de hip hop et notamment beaucoup d’artistes américains comme Mobb deep, Notorious Big, Dr Dre… Côté électro, j’étais un grand fan de Bonobo. J’y repense, j’ai eu aussi une grosse période Nirvana ado, j’avais des posters de Kurt Cobain dans ma chambre. Elliot Smith… Du jazz aussi ! J’ai beaucoup écouté Duke Ellington, Ella Fitzgerald, Coltrane, Miles Davis… Dans ma musique, j’ai l’impression qu’il y a le côté très calme de la french touch avec Air, Sébastien Tellier et même les morceaux les plus calmes de Daft Punk comme Make love. Après, on me dit souvent qu’il y a une influence de Metronomy et c’est vrai que j’aime beaucoup !
Tu as grandi à Montpellier. Petit, tu pensais que tu ferais quoi quand tu serais plus grand ?
Kazy Lambist: Pilote d’avion ! J’ai toujours voulu être pilote d’avion. C’est pour ça que l’album s’appelle 33 000 ft, c’est une altitude de croisière pour les avions, 10 000 mètres d’altitude. J’ai commencé à arrêter de penser que j’allais devenir pilote de ligne quand je n’ai pas fait S. Car il faut suivre un cursus scientifique et faire math sup math spé. C’est beaucoup plus théorique que pratique, parce que le pilotage d’un avion de ligne, c’est assez automatisé. Par contre, j’ai mon brevet de pilote de planeur et je vais passer mon brevet de pilote d’avion, mais pas d’avion de ligne évidemment ! Ça a toujours été mon truc.
Ton objectif, plus tard, c’est de t’acheter un avion ?
Kazy Lambist: Ouais ! j’en rêve ! Je n’ai pas le permis de conduire, du coup je ne vais pas acheter de voiture. Mais à la place, je peux m’acheter un petit avion, ce n’est pas beaucoup plus cher, à part en ce qui concerne le carburant ! J’aimerais trop faire une tournée et aller de concert en concerts dans mon petit avion. L’avion tour, ce serait le top !
Si tu n’étais pas musicien, où serais-tu en ce moment ?
Kazy Lambist: Je ne serai pas pilote ! Je n’aurais pas eu l’argent pour me payer les cours de pilotage quand j’étais à la fac à galérer à faire des petits boulots. Je ne sais pas du tout ce que j’aurais fait, j’avoue… J’aurais peut-être quitté Montpellier. Là j’y reste parce que je fais beaucoup d’allers/retours vers Paris, mais sinon je pense que j’aurais pété un câble là-bas si je ne bougeais pas autant. On a quand même assez vite fait le tour. C’est un peu particulier, culturellement ce n’est pas la folie, il n’y a pas beaucoup de concerts. Il y a une culture un peu bizarre de la fête où les gens sortent pour se bourrer la gueule et danser, mais pas vraiment pour écouter des artistes. Je ne connais pas vraiment la scène locale parce qu’ils ne se sont jamais intéressés à ce que je faisais. Maintenant un peu plus, mais ils ont attendu qu’on fasse le Petit Journal pour dire : il est de chez nous !
Pourquoi as-tu choisi d’écrire une chanson sur Annecy ?
Kazy Lambist: Ce morceau évoque mes souvenirs d’enfance à Annecy. Mes grands-parents habitent dans les Alpes, donc on allait très souvent au lac d’Annecy. En plus, ça me fait penser au film Le genou de Claire d’Eric Rohmer que j’aime beaucoup et qui a été tourné là-bas. C’est un lieu que je trouve assez magique, il a vraiment un truc. Ce titre, ce sont mes souvenirs d’enfance avec mon petit frère au bord du lac. Il y a d’ailleurs des bruits d’enfants dans le morceau.
Je veux laisser la liberté aux gens de s’approprier le morceau et de voyager.
Le fait que cet album soit rythmé par 3 interludes donne l’impression que ton album est construit comme une biographie avec un passé, un présent et un futur. Cela fait penser à une métaphore de ta vie avec Annecy au début, la soif d’aventure et de grands espaces, puis le fait de se recentrer sur l’essentiel (The Essential, Be Yourself). C’est voulu ?
Kazy Lambist: Intéressant! Je vais me poser la question mais à l’instant je n’ai pas vraiment de réponse. C’est une bonne question, car je n’ai pas pensé vraiment l’album temporellement comme ça, mais peut être qu’inconsciemment c’est le cas. Tu es la première à me poser la question. C’est drôle, il y a pas mal d’artistes qui comprennent ce qu’ils ont fait quelques mois après avec les interviews et les retours des gens.
Est-ce que tu peux m’en dire plus sur l’interlude To Away ? Dis-moi si je me trompe, c’est un extrait de La Piscine ?
Kazy Lambist: Oui, stylé ! J’aime bien globalement la nouvelle vague et les années 60-70. Ce sont des décennies qui m’inspirent pas mal et qui m’intriguent dans l’esthétique, l’ambiance et l’énergie. Et puis ce côté jet set des années 60 dans le sud de la France, ça me plaît. Ces acteurs-là me fascinent énormément. Dans ce film, je trouve Romy Schneider hyper impressionnante. C’est un passage qui m’avait marqué et Amoué, qui chante en live avec moi, l’a récité. A la base, dans le film, c’est Jane Birkin qui le dit ; on n’a pas repris sa voix pour des questions de droits, mais aussi pace que c’était cool que ce soit Amoué qui le fasse.
Tu as l’habitude de composer seul dans ta chambre. Comment as-tu procédé pour cet album ?
Kazy Lambist: Il a été composé et enregistré dans ma chambre lui aussi. Mais il a été mixé avec Julien Delfaud (Phoenix, Sage ou encore Woodkid, ndlr) à Paris en studio. C’est un vrai travail derrière que je n’avais pas fait jusqu’à présent. Avant, ça sortait directement de ma chambre. Ça permet de donner un son homogène à tout l’album, c’est plus pro que ce que je faisais avant. C’était intéressant de se retrouver dans un vrai studio, de voir un travail de mixage que je ne maîtrise pas.
L’album a été réalisé dans une maison de campagne vers Angoulême. Tu peux m’en dire plus ?
Kazy Lambist: Je voulais partir à la campagne, m’isoler. Donc on a cherché des maisons avec piscine dans le Sud. Et en fait, comme on s’y est pris au dernier moment, tout était déjà pris. Du coup, je me suis retrouvé à Angoulême dans une maison de campagne avec des retraités, et pas de piscine ! j’ai acheté une piscine gonflable mais ils n’ont pas voulu que je la mette, ils m’ont dit que ça abîmait la pelouse, j’étais dégoûté ! (rires) C’était un lieu perdu, il n’y avait rien du tout, juste des vaches. Là-bas, j’ai composé pendant un mois et demi un certain nombre de morceaux qui sont sur l’album (Orion, Annecy). J’ai fait beaucoup de morceaux et je ne les ai pas du tout tous gardés, j’ai encore des titres en réserve, des trucs qu’on peut faire en live aussi.
Je trouve tes nouveaux morceaux (Do You, No face, Orion) plus dansants que les précédents, qui étaient plus chill… Que s’est-il passé ?
Kazy Lambist: Je pense qu’inconsciemment, faire du live m’a projeté un peu plus. Ma musique n’était pas du tout pensée pour le live à la base, je n’avais pas du tout envie d’en faire. Quand on devait retranscrire pour le live, on était obligé de rajouter vraiment des kicks, de la rythmique, sinon c’était assez vaporeux. C’est un album qui est plus live que ce que j’avais fait avant. Le projet s’est bien développé avec Amaury et Amoué, on est vraiment trois maintenant ; même si c’est moi qui fait la composition en amont, le projet leur appartient aussi.
Quelles sont les émotions que tu cherches à faire ressortir dans tes morceaux ?
Kazy Lambist: Ça dépend… Je ne prévois pas trop à l’avance. Globalement, c’est l’évasion. Je n’aime pas être trop terre à terre, c’est pour ça que je chante en anglais et que j’ai choisi ce nom qui n’évoque pas grand-chose. J’ai même des morceaux dont les paroles n’ont aucun sens, comme Headson. Je trouvais ça génial d’être en concert devant des gens qui connaissent les paroles par cœur alors qu’elles ne veulent absolument rien dire. Je veux laisser la liberté aux gens de s’approprier le morceau et de voyager.
Tu sors pour le Disquaire Day une création sonore exclusive composée pour l’exposition « Dessin-Destin » du créateur Castelbajac à Montpellier. Peux-tu me parler un peu de ce projet ?
Kazy Lambist: J’ai su que Castelbajac s’intéressait à ma musique par les réseaux sociaux, où il est très actif. Il se filme souvent en train de peindre et j’ai vu qu’il mettait ma musique quand il peignait. Quand il est venu faire une exposition à la Panacée (une sorte de petite Gaîté Lyrique) à Montpellier, il m’a demandé à cette occasion de créer une bande son qui passerait en boucle pendant son expo. Ensuite, on a joué au Trianon pour une soirée privée qu’il organisait. Après, je lui ai demandé si cette bande son, on pouvait la sortir en vinyle et s’il pouvait dessiner la pochette. Je suis très content de cette pochette je la trouve super stylée (il me montre les deux faces de la pochette) : ça rend super bien ! Je respecte vraiment ce mec, je le trouve très talentueux. Du coup, ce vinyle sort samedi pour le Disquaire Day en édition limitée.
La playlist de Kazy Lambist
Midnight Sister – Blue Cigar
Beck – Devils Haircut
Poolside – Drifting
Dick Annegan – Beau Bateau
Mount Kimbie – Delta
Propos recueillis par Aurélie Tournois // Photographe: Céline Non