Radio Elvis : Ces garçons-là ont bien changé

 Radio Elvis : Ces garçons-là ont bien changé

A l’occasion de la sortie du second album de Radio Elvis Ces Garçons-là, prévue le 9 novembre, nous avons rencontré Pierre, le chanteur. Il nous présente ce disque écrit au fil de l’eau, suite du voyage initiatique du premier opus et de la tournée qui en découlait. 

Radio Elvis dancing feet
© Fanny Latour-Lambert // Walter Schupfer Management

Lors de votre première rencontre avec Dancing Feet, vous aviez déclaré qu’il était assez simple de trouver des dates, mais qu’une tournée pour l’album serait sans doute plus compliquée. Aujourd’hui vous sortez votre second album et vous avez déjà une Maroquinerie et un Trianon de programmés. Finalement, tout va bien ?

Ce n’est jamais simple mais oui tout va bien. Le groupe continue de s’inscrire sur le long terme j’imagine, en tout cas on espère et on fait tout pour. On a un beau soutien de la part des programmateurs et du public ! On n’a pas encore toutes les dates qui sont tombées, c’est en cours.

Est-ce qu’à votre niveau le fait d’avoir été nommé « album révélation des Victoires de la musique 2017 » a été un coup de boost pour Radio Elvis, après avoir déjà remporté énormément de prix ?

C’est le dernier prix qu’on a reçu pour le moment et symboliquement c’était très fort pour nous parce qu’une Victoire de la musique c’est très important dans l’histoire d’un groupe. Déjà, parce que c’est quelque chose que l’on connait depuis tout petit, moi c’était quelque chose dont je rêvais. C’est aussi une manière de marcher sur les traces de nos aînés. Et puis cette Victoire a été un déclencheur dans le groupe parce qu’on a arrêté de vouloir plaire aux pros, au milieu, et ça nous a vachement rassurés. C’est un peu comme si on se disait : « ça y est, on existe ! »

Dans les paroles de l’album, on sent pourtant un besoin de plaire : il est souvent question d’immortalité, d’écrire l’histoire… ?

Oui, dans mes textes ça doit sans doute transpirer cette envie d’exister, mais pas forcément de manière superficielle. D’exister tout court : de savoir ce que l’on va laisser comme trace, pas seulement en tant que musicien mais aussi comme humain, tout simplement. A travers nos enfants, à travers l’art, à travers nos métiers, à travers plein de choses. Et puis quand on parle des traces que l’on laisse ça interroge aussi sur les traces qu’on ne laisse pas. J’aimerais qu’on se souvienne de moi comme d’un artiste, comme de quelqu’un qui a apporté sa pierre à la musique française. Après il y a plein de manières de laisser des traces et si j’ai des enfants j’aimerais laisser une génération plus intelligente que la nôtre, plus pertinente sur plein de sujets et plus responsable aussi.

Comment avez-vous écrit cet album ? Les dates qui apparaissent dans vos titres sont très différentes.

Les morceaux de 2015 n’ont pas vraiment été écrits en 2015. A chaque fois que je date un titre, je marque surtout l’impulsion de départ du morceau, mais seules les 3/4 premières phrases sont écrites, parfois un couplet. C’est le cas des deux titres de 2015 Fini Fini Fini et Prières perdues. Mais ensuite je ne me suis pas repenché dessus parce qu’il y avait la tournée. C’est pour cela que je considère que tout l’album a été écrit en 6 mois à partir d’octobre 2017. J’avais besoin de spécifier la date, notamment pour ces deux-là qui ont été écrites le même jour, celui des attentats de 2015 (7 janvier 2015, ndlr). C’est aussi la date de l’enterrement de mon grand-père. C’était une journée étrange, même si j’ai envie de garder une certaine pudeur là-dessus. J’ai besoin d’écrire la date des chansons parfois pour me souvenir du contexte que j’avais besoin d’exprimer. Pendant la tournée, on a aussi beaucoup changé, il y a eu des ruptures, des naissances, des rencontres amoureuses très importantes donc ça se ressent dans le disque.

J’aimerais qu’on se souvienne de moi comme d’un artiste qui a apporté sa pierre à la musique française »

Ta voix aussi a changé entre les deux albums. 

Ma voix s’est affirmée entre les deux albums, elle est plus grave. En tout cas je la maîtrise plus, elle est plus stable, plus profonde, j’ai gagné en coffre, je chante beaucoup plus fort, si bien que la première année je cassais régulièrement des retours. C‘est pour ça que dans cet album il y a une certaine urgence à chanter, là où sur le premier opus on était plus dans une tradition française de déchanter un peu les choses, à la frontière du parler. Sur cet album, je n’avais pas envie que ma voix se perde, je voulais chanter vraiment. Je sais que dans 10 ans ma voix sera encore différente d’aujourd’hui, et j’avais envie de profiter des capacités que j’ai maintenant.

Tu as fait pas mal de slam avant Radio Elvis, aujourd’hui tu écris des textes travaillés, dont les mots importent autant que la musique. Tu as des projets littéraires pour plus tard?

En fait je continue d’écrire, j’ai écrit un nouvelle il y a un an que j’ai lue à voix haute à la maison de la poésie, avec le groupe Palatine qui m’accompagnait. Plus ça va, plus j’avance, plus je continue d’écrire des chansons aussi, notamment pour un jeune chanteur. Et j’écris aussi de plus en plus en prose sans forme particulière mais à côté des chansons. J’essaye de m’y tenir mais je ne sais pas encore ce que ça donnera. Je n’ai pas de projet défini en tête, j’écris pour moi.

La mer était très présente aussi dans le premier disque de Radio Elvis, on la retrouve également dans cet album, tu as une affinité particulière avec cet élément ?

Sur le premier disque, j’écrivais beaucoup sur la mer parce que ma vie a changé quand je suis allé sur l’Ile-de- Bréhat ( en Bretagne, ndlr) pendant deux mois, où j’ai vraiment découvert le plaisir de la lecture. J’ai aussi découvert l’écriture, la métaphore de l’eau et de la mer et le vocabulaire de la mer m’a permis de dire plein de choses. Sur le second album, j’avais décidé de faire un grand tabula rasa, donc j’ai viré tous les livres qui concernaient le premier album et j’ai arrêté de lire de la littérature de voyage. J’ai changé complètement, je n’avais plus envie d’entendre parler de ça. Mais chaque fois que je vais au bord de la mer, ça me fait écrire et ça me fait réfléchir. L’été dernier, on jouait en bord de mer et je me promenais seul sur la plage après le concert, il devait être minuit ou 1h et ça m’a inspiré le début de la chanson Selon l’inclinaison. Un peu plus tôt, au mois d’octobre 2017, alors que je commençais à me plonger dans l’écriture du second disque, un ami m’a prêté une maison en Bretagne en bord de mer et je me suis isolé là-bas pour écrire ma nouvelle. Je me suis fait une petite résidence d’écriture pendant une semaine et au détour d’une promenade, la chanson L’éclaireur m’est venue.

Le clip de Ces Garçons-là montre le parcours d’un jeune toréador qui évoque l’attente de virilité de la société chez les garçons qui grandissent. Pourquoi c’était important pour toi d’en parler?

Quelque part, ça raconte une période douloureuse du collège où il faut rentrer dans des normes de virilité : embrasser des filles, s’habiller de telle manière, se comporter comme ceci, et moi j’ai toujours eu une certaine féminité dans mes traits, ma manière d’être. Moi je m’en fiche un peu mais il se trouve qu’il y a des violences qui se dégagent de ça et c’est ce que raconte la chanson. Je n’ai pas envie de questionner le genre tant que la virilité, c’est plus une question de rapport aux autres.

La Playlist de Radio Elvis:

Lescop – Nuit américaine

Talking head – Psycho Killer

Grand Blanc – Ailleurs

Alex Cameron – She’s mine

Radio Elvis – 23 Minutes

Propos recueillis par Tiphaine Lachaise