Rencontre // George Ezra // « Je n’ai jamais voulu devenir chanteur ni guitariste, je voulais juste chanter des chansons »
Après l’immense succès de son premier album Wanted On Voyage, George Ezra jouera ce vendredi 28 novembre à La Gaîté Lyrique à Paris. Nous avons rencontré le blondinet à la voix bien plus grosse que lui alors qu’il revenait de sa tournée Ezra Express, au cours de laquelle il avait invité ses fans à le suivre lors d’un trip en train à travers l’Europe. Derrière cette voix qui en impose, le jeune Anglais nous raconte avec une touchante naïveté la façon dont ses voyages, seul à travers l’Europe, l’ont fait grandir et lui ont donné son inspiration.
Tu n’as jamais été à Budapest, pourtant, ton morceau le plus connu est une ode à cette ville…
George Ezra: En fait, l’an dernier, j’avais envie de voyager seul et je suis parti en train avec InterRail (un pass illimité pour des trajets en Europe, ndlr). C’était magnifique. J’ai été dans huit ou neuf villes où je n’avais jamais été auparavant, à part Barcelone, que je connaissais déjà. Je suis allé à Paris, Amsterdam, Copenhague, Malmö, Berlin, Vienne, Milan, Barcelone, puis à nouveau à Paris, et je suis rentré chez moi. J’avais prévu d’aller à Budapest aussi, mais finalement je n’avais pas réussi à la voir encore à ce moment-là. Budapest est une love song. Je me suis dit que ce serait mignon de faire une liste des belles choses que je n’ai pas mais que je pourrais abandonner pour quelqu’un. Et ça commence avec ma maison à Budapest. Puis les gens ont commencé à adorer ce morceau et là je me suis dit: merde! Je n’ai toujours pas mis les pieds à Budapest! (rires). Mais depuis, ça y est, j’y suis allé!
Et c’était à la hauteur de tes espérances?
Le truc, c’est que je ne m’étais jamais vraiment fait d’idée de cette ville! Donc je n’avais pas d’attentes particulières. Je suis resté seulement deux jours. Tous ces bars dans des lieux abandonnés, c’était cool. Ce qui était étrange c’est que je devais expliquer aux gens là-bas que ma chanson n’a rien à voir avec la Hongrie. En fait, en Italie, quelqu’un a commencé à lancer une rumeur comme quoi j’étais hongrois… Mais non, je ne suis pas du tout hongrois, je suis anglais!!
Tu m’as dit que tu avais déjà été à Barcelone. Est-ce que tu apprécie particulièrement cette ville?
Je l’adore! Je n’arrive pas à comprendre quel est ce truc si spécial là-bas. Ce n’est pas uniquement pour le soleil et la mer que j’aime Barcelone. En fait, je trouve que c’est un endroit super cool, sans essayer pour autant de l’être. C’est aussi une ville très relax, les habitants sont hyper calmes. J’adore le sud de la France aussi. J’ai été deux fois camper au bord d’une rivière en Ardèche.
Le roadtrip, c’est ta principale source d’inspiration pour cet album?
Je pense que 70% des morceaux de mon album viennent de ce voyage.Tous les jours, je passais un peu moins de deux heures dans le train de Bristol jusqu’à Londres. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que j’avais envie d’écrire un album. Mais pour faire ça, j’avais besoin de voir quelque chose de nouveau et de m’en inspirer pour créer autre chose. Je n’avais jamais vraiment voyagé seul. Je ne me sens pas très bien quand je suis tout seul. Mais c’était chouette de me rendre compte que j’étais capable de faire ça par moi-même. Je pense en fait que cela m’a beaucoup appris sur moi, et m’a aidé à devenir plus calme et à savoir prendre du temps pour moi.
Est-ce que tu as besoin de te mettre en danger, de sortir de ta zone de confort pour pouvoir créer?
Oui! En fait j’ai vécu un très mauvais moment pendant ce voyage. Et c’était à Paris. C’était mon premier et mon dernier arrêt. La première fois que je suis venu, un ami qui habite ici m’a dit de l’appeler quand je reviendrais et que j’irai chez lui. Du coup, je n’ai rien planifié et quand je suis descendu du train,un jeudi soir tard vers 23 heures, je l’ai appelé. Le problème c’est qu’il n’était pas en France. Je me suis dit: « c’est bon, tout va bien, je suis déjà venu ici. Je vais retirer un peu d’argent et trouver une auberge de jeunesse ». Quand je suis allé jusqu’au distributeur, j’ai appris que je n’avais plus d’argent sur mon compte. Je me suis dit: « Merde! Je vais aller à l’hôtel et leur laisser mon passeport et demander à quelqu’un de remettre de l’argent sur mon compte ». Mais les banques étaient fermées et comme c’était les vacances, les hôtels étaient tous complets. Du coup, je suis allé dormir dans une gare à la périphérie de Paris. Mais très vite, la police est venue me voir avec de gros chiens en me disant de dégager. Il était 3 heures du matin et il pleuvait beaucoup. Comme mon train pour Londres le lendemain partait de Gare du Nord. j’ai essayé de dormir sous un porche dans ce quartier, et là j’ai vu deux mecs qui se battaient. J’étais là, avec ma guitare , sans parler un mot de français… Du coup, j’ai levé le camp. Il y avait un hôpital au coin de la rue. J’ai demandé si je pouvais dormir à l’intérieur et ils ont accepté, ce qui était vraiment adorable. Lorsque je me suis réveillé, ils m’ont demandé de partir. Mais ça allait mieux, le soleil s’était levé et il y avait du monde dans les rues. C’est la seule chose qui s’est mal passée. Mais finalement tout s’est bien terminé.
La meilleure chose que j’ai faite jusqu’ici c’est enregistrer un album. Si je n’en réenregistre jamais un autre, au moins je saurai que j’en ai fait un. Et ça, personne ne peut me le reprendre.
Comment t’es venue cette idée du Ezra Express? C’est à cause de ton voyage InterRail?
Oui, on était dans un pub à Londres. A King’s Cross. Non, d’ailleurs, c’était à Paddington. Une fille avec qui je travaille m’a suggéré cette idée. J’adorais l’idée, mais ça me paraissait assez compliqué à organiser. Au final c’était super, tout le monde était adorable pendant ce voyage.
Est-ce que beaucoup de gens t’ont rejoint?
Oui, certains sont allés de Bristol à Londres. à Bruxelles, Paris, Munich et puis Budapest. Et j’ai fait un concert à Paris, Munich et Budapest. Et à chaque arrêt, on faisait monter dans le train quatre à huit gagnants de la compétition. Et c’était génial.
Tu as une voix très spéciale, grave et profonde. Quand as-tu réalisé que tu pouvais en faire quelque chose et chanter?
J’avais peut-être 15 ou 16 ans. Mais elle s’est améliorée depuis. Avant elle était un peu plus criarde. Je la poussais un peu trop, mais maintenant je la contrôle.Ça me rend heureux de chanter et de raconter des histoires. J’ai de la chance. La meilleure chose que j’ai faite jusqu’ici c’est enregistrer un album. Si je n’en réenregistre jamais un autre, au moins je saurai que j’en ai fait un. Et ça, personne ne peut me le reprendre. J’ai vécu quelque chose du début à la fin. Et c’est touchant de savoir que des gens aiment ma musique.
Quand as-tu appris à jouer de la guitare?
Quand j’avais 13 ans, j’ai commencé à apprendre la basse. Et à mes 14 ans, mon père m’a offert sa guitare et m’a appris quelques accords. Je n’ai jamais voulu devenir chanteur ni guitariste, je voulais juste chanter des chansons. Et j’utilise toujours ces accords aujourd’hui. Mais je ne suis pas un guitariste chevronné, j’aime juste chanter des chansons en m’accompagnant.
Dans plusieurs de tes morceaux, tu chantes a capella. C’est naturel ou difficile pour toi?
Le truc bizarre c’est que tu dis que j’ai une grosse voix, mais pour moi c’est naturel, c’est juste ma voix. Et quand je chante, c’est juste moi qui chante. J’adore les voix. J’ai toujours écouté beaucoup de blues, toutes ces chansons blues d’Amérique et ces rythmes. J’adore chanter a capella, ça ne me rend pas nerveux. Tu peux entendre les silences derrière la voix, il n’y a rien d’autre.
Tu as tourné avec Dancing Years. On les a découvert fin 2013, et c’est un vrai coup de cœur. Comment vous êtes-vous rencontrés?
Oh, tu les connais? Tu sais quoi, sur l’artwork de mon album, il y a un mec aveugle au téléphone. Je l’ai rencontré à Bristol. Il s’appelle Nathan et était batteur pour Dancing Years dans leur ville d’origine avant qu’ils ne déménagent à Leeds. C’est lui qui me les a présentés. Et franchement, c’est les mecs les plus gentils du monde. Quand quand je les ai vus je leur ai demandé: « S’il vous plaît, est-ce que ça vous dirait de faire ma première partie? » Et ils m’ont répondu: « oui, bien sûr! » C’était tellement génial de passer ce temps avec eux. Ils sont si calmes, et leur musique est magnifique.