Rencontre // If The Kids // Le Printemps de Bourges 2015
Machine à tubes et à musiques de pub (Lacoste et Kiabi), If The Kids se prépare au décollage. Nous avons discuté avec les têtes pensantes Mademoiselle Marine (chant) et Brice Montessuit (guitariste). À les entendre, le succès dépend plus de l’état du marché que du talent. Rencontre avant leur concert sur la scène Pression Live du Printemps de Bourges.
.
La période des festivals arrive, c’est le rush pour vous ?
Mademoiselle Marine : Pas du tout ! (rires)
Brice Montessuit : Non, les festivals, on les fait quand on a une actualité. Là, on est plutôt en train de savoir quand on va sortir notre album. Il prend un poil de retard parce que ça sert à rien de le sortir dans de mauvaises conditions. On est à deux doigts de rentrer en radio, il y a la pub Kiabi qui passe en ce moment (on y entend leur titre « On The Run », ndlr)… Sinon tu le sors tout de suite, personne ne l’écoute et tout ton travail ne sert à rien. Donc on préfère prendre un peu de temps.
Tu sembles utiliser ton expérience avec Silmarils, qui a connu un certain succès dans les années 1990…
BM : Oui, mais malheureusement le business a changé. Avant, on claquait de l’argent et on était sûr de le retrouver, parce qu’il y avait très peu de groupes qui émergeaient. Maintenant les maisons de disques ne veulent plus investir. Tu mets du temps à te développer, et même quand tu es bien développé, tu vends cinq albums sur iTunes, personne ne retrouve ses thunes et tu te fais dégager de ta maison de disques. Avec l’expérience, je sais comment ça se passe. Il faut garder l’espoir et être combatif.
Marine, tu viens au contraire du théâtre et c’est ton premier groupe de musique.
MM : Oui. J’ai commencé directement par des grosses scènes. Enfin, des scènes où j’allais moi-même voir des gens que j’admirais : le Nouveau Casino, la Flèche d’Or, Garorock… C’était horrible ! J’ai toujours très peur avant de jouer. Ça me rend malade. J’ai peur, là, même si ça ne se voit pas trop.
Tu crains que le public ne soit pas au rendez-vous ?
MM : Non, car même s’il y a trois personnes, on a quelque chose à partager. C’est secondaire. J’ai juste envie d’être généreuse et parfaite. Je suis la chanteuse du groupe, donc je ne peux pas me planter. En tant que comédienne, on est derrière un personnage, alors que là c’est moi-même qui me mets en scène. C’est plus vertigineux.
Ce n’est pas frustrant de ne pas chanter tes propres textes ?
MM : Non, je suis portée par les super textes de Gene. Je pense qu’il y a des gens qui écrivent très bien. Je ne sais pas écrire en Anglais.
BM : Elle écrit très bien en Français, malheureusement If The Kids ce n’est pas en Français.
Et pourquoi pas ?
BM : Je pense que c’est une musique qui ne va pas avec le Français. Puis j’ai envie de me donner la chance d’être écouté en Allemagne, en Angleterre, partout quoi. Nos passages en publicité, on a pu les faire car on chantait en Anglais. Ça n’aurait pas été possible en Français. J’ai envie de m’exporter.
Une publicité pour Lacoste et une autre pour Kiabi. Vous êtes donc des spécialistes de la musique de pub ?
BM : Un peu malgré nous. On ne va pas se plaindre, c’est ce qui nous permet d’avancer. Ça rapporte de l’argent, ça permet au label de le réinjecter, et ça nous donne une visibilité incroyable que les maisons de disques ne peuvent pas se payer. Kiabi, c’est dix spots en 2 ans, 30 secondes de musique, c’est énorme.
Comment on en arrive à passer dans une pub ?
BM : Il y a plusieurs moyens d’y arriver. En l’occurrence, l’édition des morceaux est signée chez Universal. Quand un annonceur veut de la musique, il appelle Universal pour savoir ce qu’il y a en stock. Nous, on a eu de la chance.
Vous semblez être dans la recherche du tube parfait.
BM : J’ai naturellement le sens de l’efficacité, mais je n’ai jamais composé pour faire des pubs. J’ai une culture pop, je trouve que le refrain est hyper important. J’ai toujours adoré les beaux refrains, donc j’essaie d’en faire. Forcément, ça devient efficace. Mais c’est toujours la forme qui importe. Si tu mets de jolies petites guitares, ce sera de la variété. Si tu mets de grosses guitares grandiloquentes, on dira que c’est du Radiohead, alors que la mélodie est la même… je parle trop là, je m’auto-saoule !! (rires)
S’il n’y avait pas eu de pub Lacoste, vous en seriez ou ?
MM : Je ne sais pas, mais ça nous a confortés dans la direction dans laquelle on allait. Moi, ça m’a donné confiance en tant que chanteuse, de savoir que ma voix plaisait, donnait de l’émotion et intéressait les gens.
BM : Sans Lacoste, je ne sais pas si on aurait pu tenir. En termes financiers, ça a permis au label qui nous supportait à l’époque de nous produire des disques, un clip. Ça nous a donné une visibilité, notamment en Angleterre où l’on avait des papiers dans The Guardian. La pub n’était pas passée en France, du coup on était plus connu en Angleterre ou en Espagne que chez nous ! On a fait un festival à Santander.
Vous avez donc fait pas mal de dates à l’étranger ?
BM : Oui ! A Santander, puis Santander…et Santander ! (rires) On a eu pas mal de demandes, en Italie et en Angleterre. On était souvent à deux doigts, mais financièrement c’était souvent compliqué d’emmener six personnes.
Vous dîtes que chanter en anglais est un handicap. J’ai plutôt tendance à croire que c’est une facilité…
BM : Pour la pub, ce n’est pas un handicap, mais ça l’est pour le développement en France. Les labels ne savent pas développer des groupes qui chantent en anglais. (Il interpelle son manager) N’est-ce pas Hervé ?
Hervé : C’est vrai. En France, les radios doivent diffuser 40 % de chansons francophones. C’est chronométré. Ça permet de conserver une culture française qui aurait été anéantie depuis longtemps par les USA, donc on peut le comprendre. Mais c’est très handicapant.
Pourtant, les derniers succès du rock français chantent en anglais.
BM : Shaka Ponk et Skip the Use, ils tournent depuis longtemps ! En groupe récent, il y a que dalle. Ça coûte trop cher à développer et ça ne rentre pas en radio. Et tant que tu ne rentres pas en radio, tu ne vends pas de disque, donc le business se mord la queue. Il faut soit avoir de la chance, soit chanter en français pour rentrer dans les quotas. En anglais, c’est saturé. Il y a toute l’Amérique et les Anglais.
MM : Pour nous, tout petits chantant anglais, c’est compliqué.
BM : Et de toute façon, je ne voulais pas chanter en Français. C’était le cahier des charges de base. Je préfère tenter une aventure à l’étranger.
Vous avez travaillé avec Pierre Guimard pour votre album. Qu’y a-t-il apporté ?
Marine : Le côté rock’n’roll a été gommé pour aller vers l’électro-pop.
BM : J’étais très ouvert au changement. Dès le premier titre, ils ont enlevé les guitares et je me suis dit « Ça c’est bon ! Ça va être super à retranscrire sur scène. » Jusque-là, on était un peu bâtards, on faisait de l’électro sur disque et du rock sur scène. Maintenant, c’est cohérent.
Propos recueillis par Ulysse Thevenon // Photos: Elise Schipman