This Is The kit : « J’adore chanter en français ! »
Attendue au festival Clap Your Hands au Café de la danse le 18 avril prochain, This Is The Kit est de retour avec Moonshine Freeze, un quatrième album aux cordes délicates produit par l’illustre John Parish (PJ Harvey, M Ward, Perfume Genius) et publié chez Rough Trade Records. C’est une Kate Stables friendly, volubile et souriante que nous avons rencontrée à Paris, sa nouvelle maison. Au naturel, en t-shirt, jogging et chaussettes multicolores, elle nous a raconté dans un franglais charmant son parcours musical et son lien tout particulier avec la France.
Quels sont les artistes qui t’ont donné l’envie de faire de la musique ?
Mmm… Je pense que Bob Dylan, que j’ai beaucoup entendu dès mon plus jeune âge, a été ma première influence. J’ai toujours adoré ses paroles, son jeu de guitare et son chant. A l’adolescence, The Velvet Underground et Beck m’accompagnaient partout. Mais je n’arrivais pas à admettre que je voulais en faire ma vie. Je savais que c’était ce que je voulais, mais je n’osais pas le prononcer tout haut. Puis, petit à petit, j’ai fait de plus en plus de compositions et de concerts. Lorsque j’étais en Angleterre, en parallèle de la musique, j’avais d’autres jobs pour survivre. Depuis que j’ai déménagé en France, j’ai décidé de sauter le pas et abandonné mes autres petits boulots pour me consacrer à la musique.
Quand as-tu composé ton premier morceau ?
J’ai écrit ma première chanson à l’âge de 16 ans. Jusque-là, je n’avais fait qu’apprendre à jouer les chansons des autres. Petite, j’ai appris la guitare sur les conseils de mon papa, avec qui je chantais, avant de me mettre à la trompette, mais j’étais très mauvaise ! En grandissant, je suis devenue trop timide pour chanter. Puis, un jour, lors d’un concert de mon école, j’ai chanté en m’accompagnant à la guitare. J’étais terrifiée, mais ensuite, j’ai eu envie de recommencer. Il y a quelque chose de libérateur et d’apaisant dans le fait de se retrouver sur scène. Quand je monte sur scène, je sais ce que j’ai à faire et je le fais. Si les gens n’aiment pas, c’est pas grave, et s’ils aiment, c’est bien !
Comment ta façon de considérer ta musique a évolué depuis ton premier album Krülle Bol en 2008 ?
Je ne sais pas si j’ai assez de recul pour percevoir ces changements, mais je pense tout de même que je suis moins timide qu’avant, et que cela a un effet sur ma musique. Paradoxalement, je ressens davantage de pression que lorsque j’ai commencé à écrire car désormais, ma maison de disque compte sur moi. Ce qui est stupide aussi, c’est qu’en fait, une grande partie du travail du musicien est administratif, et du coup je me sens coupable quand je joue de la musique car je ne suis pas en train de régler ces choses. Et quand je ne fais pas de musique pour travailler à mon bureau, je me sens également coupable de ne pas composer.
Avant, quand je pensais à la France, j’imaginais l’Angleterre avec tout le monde parlant français.
Aujourd’hui, tu vis en France. Quelle est la différence entre Paris et Bristol pour toi ?
Eh bien, ce sont deux villes très différentes. C’était une sorte de choc culturel, car quand je pensais à la France, j’imaginais l’Angleterre avec tout le monde parlant français. En réalité, chaque ville a sa propre énergie. J’imagine que si j’avais déménagé à Londres cela aurait aussi été un choc culturel. Mais Paris est tout de même une ville plus difficile que ce à quoi je m’attendais. Les gens dans la rue, par exemple : A Bristol, ils sont très friendly, ils sourient, disent bonjour, aurevoir, est-ce que je peux vous aider ?… Alors qu’à Paris, tu as l’impression que ce qu’ils veulent c’est que tu dégages de leur boutique. Mais bon, ça va mieux maintenant, je ne le prends pas personnellement ! Ce sont aussi deux villes différentes dans la façon dont les gens font de la musique. Dans une grande ville comme Paris, avec de la pression, les gens ont moins de temps et d’espace. Ça coûte très cher d’avoir un lieu pour faire des répètes ou un studio. Alors que Bristol, dans mon souvenir, on s’y sent plus libre. C’est une ville géniale, avec tellement d’événements. C’est très inspirant.
Tu as travaillé avec des membres de Frànçois and the Atlas Mountains pour ton second album Wriggle Out The Restless, sorti en 2010. Comment les as-tu rencontrés ?
J’ai rencontré François à Bristol lorsqu’il vivait là-bas. C’est comme ça que j’ai découvert sa musique et depuis on est restés amis. J’ai enregistré les pistes d’accompagnement de mon second album avec Amaury (bassiste de Frànçois and the Atlas Mountains, ndlr) et François dans un studio à côté de Saintes.
Tu as d’ailleurs repris Les plus beaux. C’était difficile de chanter en français ? Tu comprenais ce que tu disais ?
A ce moment-là, je comprenais moins de choses que ce que je comprends maintenant. Quand j’écoute les enregistrements je me dis : mince, mon accent n’est pas si mauvais aujourd’hui ! J’adore chanter en français, et même si je ne parle pas le meilleur français du monde, c’est une très importante partie de ma vie et de ma personnalité maintenant. Mais je ne sais pas si je serai capable d’écrire en français. Peut-être qu’un jour je me sentirais suffisamment à l’aise. Mais pour le moment je peux seulement imaginer écrire en anglais. Donc faire des reprises est une façon pour moi de chanter en français sans avoir à écrire. C’est aussi une manière d’apprécier les chansons que j’aime et de les faire découvrir aux autres. Quand on pré-commande mon nouvel album, on peut recevoir un petit CD de reprises d’amis et d’artistes que j’aime et respecte vraiment. Il y a d’ailleurs quelques morceaux français et c’est un réel plaisir de les chanter en français, même si je réalise que ma version ne pourra jamais être aussi bonne que l’originale. Je trouve que l’Angleterre et les États-Unis devraient ouvrir davantage leur esprit et leurs oreilles aux autres langages. Il y a trop de choses de qualité qui méritent d’être entendues. J’ai l’impression qu’il y a déjà eu un virage, les anglophones sont plus ouverts aux langues étrangères, mais il y a encore du travail à faire.
Où as-tu composé et enregistré ton album ?
Je le compose tout le temps, partout. En tournée, à la maison, dans le train… On a enregistré Moonshine Freeze à Bristol, aux studios Invada, où il a été produit par John Parish. Ces dernières années, après avoir changé beaucoup de musiciens, le groupe s’est stabilisé. J’étais très heureuse de les avoir tous ensemble pour tout l’enregistrement. Et c’est grâce à eux que l’album sonne comme il sonne. C’était un travail d’équipe.
Est-ce que tu voulais parler de quelque chose de particulier ou évoquer un sentiment précis sur cet album ?
Je n’ai pas cherché à le faire, mais maintenant qu’il est terminé, je reconnais qu’il y a certains thèmes mis en avant. Je pense qu’une bonne partie des chansons viennent de quelque chose de sombre, c’est une sorte de tristesse ou de sérieux. Elles parlent également de la façon dont on traite la tristesse et comment on en sort grandi. Et aussi, de la vérité, une chose à laquelle je pense beaucoup, et de l’honnêteté qu’on a avec nous-mêmes et avec les autres, ainsi que la façon dont les histoires et la réalité changent avec le temps. C’est le genre de choses que je vois maintenant à travers l’album.
Propos recueillis par Aurélie Tournois // Photos: Laurent Besson