MNNQNS : « Il ne faut pas se leurrer, on est un groupe à la mode »

 MNNQNS : « Il ne faut pas se leurrer, on est un groupe à la mode »

A la fin du mois d’avril 2018, on est allé discuter avec Adrian, Marc, Félix et Grégoire du goupe MNNQNS, qu’on avait déjà eu l’occasion d’apprécier sur scène un certain nombre de fois. Les 4 Rouennais alternent entre réflexions très pragmatiques sur l’industrie de la musique et auto-dérision décomplexée, si bien qu’on a parfois du mal à réellement les cerner. Et si ce parfait équilibre entre ambition et rock’n roll était l’une des clés de leur récente et fulgurante ascension ?

MNNQNS interview 2018

Adrian, tu as créé MNNQNS après avoir passé du temps en Angleterre et découvert la scène de Cardiff, qu’est ce que cette scène a de si particulier ?

Adrian : Je ne sais pas si elle a quelque chose de particulier… En tout cas, c’est le fait qu’elle soit hyper dense qui m’a marqué. Cardiff, ça fait partie du circuit de tournée de tous les groupes indés anglais, du coup je suis tombé à ce moment-là sur plein de groupes qui allaient devenir gros après. Je pense à Temples en particulier que j’ai vu jouer devant une soixantaine de personnes. Ce genre de trucs, Telegram, Cheatahs… Il y a tout le temps plein de groupes trop bien, c’est la folie, tu ne sais plus où donner de la tête. Ça finit forcément par t’imprégner. Ça rend complètement hyperactif en fait, il y a trop de trucs dans tous les sens. J’avais vu la release party d’un groupe gallois qui s’appelle Islet, incroyable… une sorte d’Animal Collective complètement barré, trop bien. Mais ouais j’allais à des concerts sans arrêt, tout le temps, ça te donne un peu envie.

Depuis 2014 le line up de MNNQNS a beaucoup changé, vous avez enfin trouvé le bon équilibre ?

Non. (rires)

Mais qu’est ce qui a provoqué ces changements ?

Adrian : Ce qui a provoqué ces changements… c’est que je suis insupportable, je pense. (rires) Non, en fait il y a beaucoup de raisons, des facteurs humains, la disponibilité, les motivations… Tu as des gens qui commencent à faire de la musique, et qui se rendent compte qu’ils ne sont pas spécialement faits pour tourner. C’est quand même un mode de vie super particulier : être tout le temps sur la route les uns avec les autres… Mais musicalement il n’y a jamais eu de « problèmes » avec les autres. A la base, c’est moi qui écris tout, maintenant ça commence à se nuancer un peu, les gars écrivent des choses tu vois.

Les morceaux sont à la fois très pop et très « brut », comment est-ce que vous trouvez cet équilibre ?

Adrian : Ça se fait un peu en deux temps généralement, c’est amené à bouger sur certains morceaux. La base des chansons est très pop, et c’est après quand on commence à faire les arrangements, le choix des sons, qu’on décide de tout saloper. C’est généralement dans ce sens-là, mais il peut arriver qu’on parte de l’inverse, c’est-à-dire d’une texture, d’un bruit, n’importe quoi, et d’emmener de la mélodie là-dessus. C’est quelque chose qu’on essaye de faire de plus en plus, d’inverser le process. Je pense que c’est hyper important une fois que tu as compris comment fonctionne ton écriture d’arriver à faire l’inverse, pour éviter de tomber dans la redite. Créer des nouvelles choses, c’est hyper important, hyper sain.

Et vous écrivez tous un peu, donc ?

Adrian : Ouais, maintenant les gars commencent à écrire un peu, Greg propose pas mal de choses et puis les gars proposent des trucs progressivement.

Et vous partez aussi d’une structure de base « pop » ?

Adrian : Pas forcément, c’est ça qui est intéressant. Greg, il écrit des trucs plus débiles que moi. Débiles dans le bon sens, tu vois.

Grégoire : Je n’écris jamais de chant par exemple. Plutôt des trucs hyper rythmiques, mais je ne pense pas en mélodie. C’est pas le contraire, mais c’est un peu complémentaire d’Adrian, lui il fait beaucoup de mélodies, mais pas de structure. Parfois, c’est plus ou moins volontaire. Maintenant, il fait souvent exprès de ne pas écrire de deuxième partie de gratte par exemple, et ne pas faire de structure, parce il sait qu’on va le faire à un moment.

Quand les gens parlent de « scène française », moi je n’entends pas ça d’une manière positive.

Est-ce que vous vous sentez proches d’une scène particulière ? de votre ville ? ou même française ?

Adrian : Française, non. De notre ville, ouais. Il y a une vraie scène à Rouen depuis quelque temps, il y a beaucoup de groupes très bien, et forcément vu que ce sont des gens qu’on croise quasiment au quotidien, fatalement on se sent proches de cette scène là. Alors qu’on ne fait pas forcément la même chose qu’eux, c’est pas une question de musique mais plutôt de lieu. Quand les gens parlent de « scène française », moi je n’entends pas ça d’une manière positive. Ce qui m’intéresse vraiment, ce sont les groupes indés, tous les groupes dans chaque ville qui proposent des trucs super étranges, des trucs que personne ne connait… Il y a énormément de trucs en France en vrai , il ne faut pas du tout cracher sur ce truc-là… mais la plupart des gros trucs mainstream en France, à mon sens, ne sont pas aussi intéressants que les trucs mainstream en Angleterre.

MNNQNS a tourné avec des groupes étrangers assez gros : Franz Ferdinand, Black Lips… ça vous a appris des choses ?

Adrian : Complètement, complètement ! Déjà, les Black Lips, ils nous ont appris à nous battre, à pécho (rires), ils nous ont appris qu’il ne fallait pas se droguer, pas boire… Ça, ils ont dit qu’ils le faisaient pour nous.

Félix : Je me suis fait engueuler par le bassiste, qui m’a dit qu’il ne fallait jamais que je me drogue, que je ne devais pas me mettre à boire, que je mange pas de viande…

Adrian : Qu’il fallait manger équilibré… Ouais, ils nous ont donné des bons conseils ! Et sinon Franz Ferdinand c’était des conseils pour l’album, des trucs beaucoup plus sérieux. (rires) Mais en vrai c’était cool, on a beaucoup parlé avec Alex Kapranos, ils nous a donné des conseils comme le fait d’avoir une longueur d’avance en terme d’album : au moment où tu va sortir le premier, avoir déjà le deuxième qui est prêt, ce genre de choses. Souvent, ce qui se passe avec les groupes qui commencent à fonctionner, c’est qu’ils rentrent dans une période de tournée, où ils font un, deux, trois ans sans arrêt sur la route, et surtout dans le genre de style qu’on fait il faut que tu existes sur scène en fait, que tu sois partout, tout le temps, que les gens te voient. C’est hyper important. Et fatalement, si le premier album sort et qu’il y a une demande pour un autre assez vite, il y a beaucoup de groupes qui tombent un peu dans l’écueil du deuxième album parce qu’ils sont en tournée, qu’ils n’ont pas le temps d’écrire, et du coup ils sortent un deuxième album de merde. Et tout retombe ! Ce serait con que tout ce qu’on s’est galéré à faire avec MNNQNS retombe au deuxième album parce qu’on n’a pas prévu le coup, qu’on n’a pas une longueur d’avance. C’est un truc que nous a dit Alex, et c’est un truc qu’on pensait déjà pas mal.

Eux se sont bien débrouillés, avec leur deuxième album !

Adrian : Bah ouais. Le deuxième, il est pas mal dans la veine du premier album. Et le troisième : ça change. Je pense que c’est un peu ce qui s’est passé avec eux tu vois, c’est pour ça qu’ils ont une longévité j’imagine. Parce qu’ils ont fait ça intelligemment. On a aussi parlé de production, de Philippe Zdar, qui a fait le dernier Franz Ferdinand à Paris. De pas mal de trucs, quoi. Alex est super cool comme gars, super adorable.

C’est pas un truc qu’on renie, la France, au contraire… Mais pour nous, la priorité est vraiment sur le territoire anglais.

Vous avez remporté le prix Ricard Live Music, qu’est-ce que ça va changer pour MNNQNS ?

Grégoire – Il y a un truc qui a été un peu immédiat avec Ricard, c’est que toutes les discussions dans lesquelles on était avec eux, ça a accéléré, concrétisé les choses. En plus de ça, il y a Adrien Marchand qui bosse vraiment à fond avec nous, il fait un peu office de manager en ce moment par exemple. Ce qui change vraiment, c’est que maintenant on est vraiment entourés d’une bonne équipe, des gens avec qui on s’entend bien, qui bossent bien. Ça c’est vraiment cool. Après, tout ce qui fait partie de la « récompense », la tournée, tout ça, c’est bénef, c’est vraiment trop bien. Je ne sais pas ce que ça peut apporter dans le futur…

Vous avez aussi un EP qui sort sur un label anglais (Fat Cat), vous gardez toujours un pied de l’autre côté de la Manche, on peut avoir l’impression que la France n’est pas votre priorité…

Adrian : C’est pas un truc qu’on renie, la France, au contraire… Mais pour nous, la priorité est vraiment sur le territoire anglais. Et après, au delà, on verra bien où ça nous mène tout ça. Déjà, le projet est né là bas, on commence à y retourner souvent… C’est quelque chose d’assez essentiel, c’est dans l’ADN du groupe.

Marc : On va jouer au festival au Great Escape, qui est un super festival, c’est une bonne porte d’entrée pour nous.

MNNQNS était programmé à Rock En Seine l’an dernier, sur une petite scène. Un an après, vous y retournez déjà sur une grande scène, c’est un peu représentatif de ce qui vous arrive en ce moment : vous allez plus vite que beaucoup d’autres groupes. Qu’est-ce que ça vous fait d’être dans cette dynamique ?

Félix : Ouais, cette année on sera sur la scène de l’industrie. L’année dernière, c’était la scène Firestone, genre une fausse station essence, c’était un peu angoissant…

Adrian : Mais c’était cool d’y jouer quand même !

Félix : Ouais ! Mais là, on a hâte de voir ce que ça va donner sur la scène de l’industrie !

Et vous comprenez les raisons qui font que MNNQNS avance plus vite que d’autres  groupes ?

Adrian : Ah (rires), Greg tu peux la placer ?

Greg : C’est parce que, il ne faut pas se leurrer, on est un groupe à la mode. C’est comme ça ! (rires)

Je pense que ça sera le titre de l’interview !

Adrian : Trop bien, si ça peut être le titre c’est mortel !

Grégoire : C’est une phrase que je dois dire à chaque fois, qu’on s’est fixée. « On est un groupe à la mode ! » (rires)

Et plus sérieusement, vous n’avez pas d’interprétation de tout ça ? 

Adrian : On joue de plus en plus, et on bosse beaucoup. Que ça soit le live ou les morceaux. Donc quelque part, ça paye, tu vois. Sans forcément entrer dans une histoire de « Karma », mais le fait de taffer comme un énorme débile, au bout d’un moment je pense que ça paye.

Félix : Moi je n’arrive carrément pas à réaliser. Avec Marc, on a rejoint le groupe cet été, et c’était direct ça !

Adrian : C’était pas aussi gros cet été…

Félix : Non, mais direct on est arrivés dans le groupe : on fait Rock En Seine et tout… Moi je n’avais jamais fait de scène avant ! Du coup tout arrive d’un coup, je n’ai pas le temps de comprendre trop ce qui se passe.

Faire le même festival deux années de suite en passant d’une toute petite à une grande scène, ça prend généralement plus de temps…

Adrian : Il y a Rendez Vous qui a fait ça déjà, non ? J’espère que ça veut dire quelque chose. Mais peu importe ce qui se passe, je ne parle pas spécifiquement de nous mais en général : peu importe ! Que ça aille vite ou pas vite, l’essentiel c’est vraiment que ça suive artistiquement, qu’on continue de proposer des choses pertinentes. Aucun problème, autant que ça nous guide, tu vois.

Les pieds de MNNQNS

LA PLAYLIST DE MNNQNS

Cabbage – Preach To Be Converted
Deerhunter – Helicopter
Black Flag – Nervous Breakdown
Marc Lebruit – Au Large
The Voidz – QYURRYUS

 

Propos recueillis par Jacques de Rougé