Rock en Seine 2018 : non, le rock n’est pas mort
N’en déplaise à ses détracteurs, le rock n’est pas encore tout à fait mort en 2018. La preuve, nous avons réussi à trouver chaussure à notre pied dans la programmation de festival la plus controversée de l’été. Voici les 15 bonnes surprises inespérées de la 15ème édition de Rock en Seine.
C’est peu dire que l’annonce du line-up de la 15ème édition (déjà !) de Rock en Seine a provoqué l’émoi des fidèles du festival francilien, dont nous faisons partie. Certes, il était nécessaire d’injecter du sang neuf dans le vivier de têtes d’affiche du festival – qui, soyons honnête, ne proposait plus que Queens Of The Stone Age, Arctic Monkeys et Franz Ferdinand ad nauseam – mais était-il vraiment nécessaire de les remplacer par PNL, Macklemore ou encore Post Malone ? Sans entrer dans un débat théologique sur la qualité des divers artistes susmentionnés, il n’était pas difficile de comprendre, au vu des réactions enflammées des festivaliers sur les réseaux sociaux, que la programmation 2018 s’était fourré le doigt dans l’oeil jusqu’au coude.
Pourtant, par curiosité, esprit de contradiction ou tout simplement masochisme, nous avons voulu voir ce que donnerait cette édition de Rock en Seine version pop FM. De plus, sans mauvaise foi, certains noms comme ceux d’Idles ou de King Gizzard And The Lizard Wizard laissaient présager un moment pas si désagréable à passer en ce dernier week-end d’août. Première conséquence flagrante de ce revirement de direction artistique : une large partie du public a tout simplement boudé le festival. Il a donc soudain été nettement plus sympathique de circuler dans le domaine national de Saint-Cloud sans se faire bousculer, ni avoir à faire la queue pendant des heures pour se remplir la panse ou se soulager la vessie.
Démarrage tout en douceur avec le duo de sœurs suédoises First Aid Kit. Si leur passage par la capitale n’est plus un événement si rare, entendre leur folk sublime sous le soleil sur le domaine de Saint-Cloud était quand même l’un des moments les plus plaisants du weekend, et cette setlist était la définition même de la perfection.
Puis, nous avons été ravis de retrouver MNNQNS, découverts l’année précédente sur la scène Firestone et désormais promus à la scène de l’industrie (on en parlait avec eux récemment dans une interview). On sent que les jeunes Rouennais, avec leur charmant côté poseur, mais surtout leur rock furieusement énervé, savourent pleinement leur récente notoriété. Leurs mélodies contagieuses puisent directement dans l’ADN du rock anglo-saxon et leurs morceaux devraient bien vite s’inviter dans vos cerveaux, si ce n’est déjà fait. En tout cas, nous, on en redemande ! Ça tombe bien puisqu’ils entament une grosse tournée d’automne à travers le pays.
Twerk et pogos fiévreux
C’est ensuite Yellow Days qui a conquis nos petits cœurs. Derrière ce nom se cache George Van Den Broek, un Anglais de tout juste 18 ans, dont la voix grave et éraillée n’est pas sans nous rappeler un certain King Krule, mais avec l’attitude et la décontraction d’un Mac DeMarco. Pourtant, dans ses influences, ce n’est autre que Ray Charles que le jeune homme cite. Ses compositions, bien que très modernes, portent en effet la trace envoûtante du blues et ne font que raviver notre intérêt grandissant pour la scène indie soul londonienne, décidément extrêmement prometteuse.
Il aura fallu attendre le soir pour vibrer à nouveau devant le set des Limiñanas. La nuit s’est installée et le set prend un peu plus d’ampleur à chaque morceau. Au bout de 3 ou 4, on est complètement convaincus.
Pendant ce temps-là, sur la grande scène, Die Antwoord donnait, comme à son habitude, un show de folie. Dans un décor géant en carton-pâte, Ninja et Yolandi Visser, accompagnés de leur fidèle acolyte DJ Hi-Tek, s’en sont donné à cœur joie pour twerker et vociférer quelques-uns de leurs titres emblématiques, parmi lesquels Pitbull Terrier, Baby’s On Fire et I Fink U Freaky. Les plus groupies d’entre nous ont même pu apprécier de découvrir sur scène, l’espace d’un instant, Sixteen Jones, la fille du duo sud-africain infernal, venue présenter une de ses amies MC au cours du set.
Cependant, la véritable surprise de la journée nous est venue de la scène Ile-de-France qui accueillait GothKing. Ce trio parisien, jusque-là inconnu au bataillon, nous a tout de suite embarqués avec son punk irrévérencieux. Face à ce déploiement d’énergie brute, le public s’est senti pousser des ailes et s’est immédiatement lancé dans un pogo fiévreux. Cela nous a rappelé qu’un phénomène similaire s’était produit pendant le concert de Rendez-Vous sur cette même scène, deux ans auparavant. Prometteur, donc, pour ce groupe que nous suivrons de près.
Alors que les deux frères de PNL, tête d’affiche la plus décriée de cette édition, ont fait attendre leur fan base, pourtant déjà bien peu fournie, pendant une bonne vingtaine de minutes, nous n’avons pas eu la même patience et sommes allés nous délecter du show musclé et jouissif de Carpenter Brut qui, avec son electro darksynth et ses visuels issus de nanars des années 80 de jeunes jouvencelles dénudées se faisant charcuter en bonne et due forme, nous a mis un sacré coup de poing dans la gueule pour conclure cette première journée de festival.
La grand-messe hollywoodienne de Jared Leto
Dès 15h30, le deuxième jour, nous avons dû nous dédoubler entre la scène de l’industrie où se produisaient les Psychotic Monks, totalement hypnotisants de par leur jeu de scène habité et leurs compositions sans concession, et Theo Lawrence and The Hearts, qui jouaient sur la grande scène leur rock mâtiné de blues et de soul un peu retro, résolument charmant.
Les choses sérieuses ont véritablement commencé avec King Gizzard And The Lizard Wizard. Pour le dernier concert de leur tournée, les Australiens ne nous ont pas déçus. Proposant bon nombre de ses titres les plus électriques, la formation de rock psyché a tout simplement mis son public en transe pour un pogo sans fin. C’est bien simple, les huit minutes du titre Rattlesnake résonnent encore dans nos têtes aujourd’hui.
Après un best-of d’Oasis sans grands rebondissements offert par un Liam Gallagher égal à lui-même, nous avons pris la direction du concert de Fat White Family. Plus en retenue que lors de leur premier passage à Rock en Seine en 2014 (déjà !), les Anglais transpirent toujours autant le punk et c’est avec délectation que nous avons à nouveau craché notre fiel sur leur incontournable titre Touch The Leather.
Pour conclure cette deuxième journée, nous n’avons pu nous empêcher de jeter un coup d’œil à ce qui se tramait du côté de la grande scène. Thirty Seconds To Mars, soit Jared Leto, son frère et un ordinateur, allaient donner une drôle de grand-messe hollywoodienne. Tournoyant dans sa belle robe à fleurs, le très christique acteur oscarisé, à défaut d’un tour de chant nuancé, nous a fait une belle démonstration de chauffeur de salle en faisant monter sur scène un chapelet de fans éplorés.
Idles qui reprend Mariah Carey
Pour entamer la troisième et dernière journée de festival, nous avons choisi la douce Halo Maud. Aperçue sur scène à maintes reprises aux côtés de Moodoïd, Melody’s Echo Chamber ou encore Marietta, et en solo sous le nom de Myra Lee, déjà à Rock en Seine en 2011, Maud Nadal semble enfin prendre son envol. Sa dream pop chantée en français et en anglais est un ravissement qui nous fait délicatement frissonner.
C’est Idles qui nous livrera véritablement la meilleure performance de tout le festival. On les savait déjà bêtes de scène, mais là, alors que les spectateurs étaient scandaleusement peu nombreux devant la scène de la cascade, la bande de Bristol a dépassé nos espérances. Entre textes engagés sur l’immigration, reprise improbable d’ All I Want For Chistmas Is You de Mariah Carey et décharge d’énergie pure, les Anglais n’ont pas oublié de transmettre beaucoup d’amour à leur public, permettant même à deux fans, aux anges, de monter sur scène pour jouer avec eux.
Une poignée de minutes plus tard, Jessica93 surprend tout le monde. Alors que Geoffroy Laporte devait se produire avec son groupe, c’est finalement seul qu’il se présentera sur scène, comme il l’avait fait 4 ans auparavant dans ce même festival. Et franchement, ce n’était pas pour nous déplaire, car la noirceur de ses morceaux ne s’en sont paradoxalement trouvés que décuplés. On courra le revoir pour une soirée exceptionnelle aux côtés des Italiens de Go!zilla à la Maroquinerie le 5 octobre prochain.
Enfin, alors que la moitié de notre team a décidé de conclure le festival en se défoulant devant Justice, l’autre moitié a opté pour les Texans de The Black Angels. Résultat : un moment de pure hypnose vénéneuse traversant toute la discographie du groupe et qui nous laissera planner encore de longs moments après la fin du concert.
En somme, même si cette édition 2018 de Rock en Seine ne nous a proposé que peu de découvertes, elle a largement réussi à éviter la catastrophe annoncée grâce à des valeurs sûres, que nous avions, certes, déjà vues sur scène, mais qui ont su délivrer encore une fois de sacrées performances !
Texte : Kirana Chesnel, Photos : Jacques de Rougé